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CAT ANDERSON

Last Dance

Le lundi 23 juin 2014, par Laurent Sapir

On l'a trouvé, le son de l'été. On ne dansera pas dessus, assurément, mais a-t-on vraiment envie de danser en ce moment ? Il nous faut au contraire une douceur statique, un son qui repose. Pas du genre fiévreux, torride et balnéaire. Plutôt un son-caresse, une délicate embellie seulement annonciatrice d'un ciel étoilé. Le mieux serait qu'il soit intemporel, ce son de l'été. Comme Keith Jarrett lorsqu'il joue avec Charlie Haden.

Le son de l'été aura donc des airs de Replay. Quatre ans après leur presque disque d'or Jasmine, ces deux-là se regardent à nouveau droit dans les yeux. De leur fameuse veillée au coin du feu ont été exhumés d'autres morceaux. Retour dans la vieille grange du New Jersey entourée de bois et de lacs. Le Steinway un peu bancal de Keith Jarrett, on s'en souvient, avait une odeur de jasmin. Toujours pas réparé, le piano. Toujours aussi enivrant, ce parfum couleur jasmin. Un pas de deux, donc, entre piano et contrebasse, pour ce nouvel opus qu' ECM a baptisé Last Dance.

Les deux premières plages sont les plus belles. Dépouillé des déchirures que lui donnaient naguère Billie Holiday et Charlie Parker, My Old Flame scintille à la nuit tombée. On pense à ce ver de Baudelaire -Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclamais le Soir; il descend; le voici. My Ship vogue sur des eaux pareillement et délicieusement alanguies alors qu'on a encore en mémoire le roulis de Gil Evans quand Miles Davis s'emparait de ce thème. De Round Midnight on ne reconnait pas tout de suite le refrain. Le tempo est plus rapide, les couleurs plus espacées, l'impro plus joueuse...

Le cœur s'accélère encore d'avantage sur Dance of the Infidels (le titre du morceau, sans doute) de Bud Powell avant qu'à ce revival bop ne succède l'amplitude absolue de It might as well be spring avec des aigus extatiques dont le toucher de  Keith Jarrett est peu familier. span style="color: #000000;">Une autre prise de Goodbye (Benny Goodman) pour conclure. Par rapport à Jasmine, c'est une version décharnée, économe en notes du côté du pianiste, surtout quand Charlie Haden prend son solo dans un registre à la fois plus robuste et d'avantage essoufflé que dans la version initiale. Sait-il déjà, Keith, que son vieux pote lâche alors ses dernières forces avant d'affronter des pépins de santé désormais irréversibles ? Clavier plus tempéré encore que dans Jasmine. L'été aussi a ses silences.

Last Dance, Keith Jarrett et Charlie Haden (ECM)

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