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L'Adieu à la nuit

Le mardi 23 avril 2019, par Laurent Sapir
Le Jihad est dans le pré, pour le meilleur et surtout pour le pire. Le nouveau film d'André Téchiné, "L'Adieu à la nuit", montre décidément à quel point l'univers du réalisateur ne se prête guère à certains sujets d'actualité.

On est d'accord, André Téchiné est un grand romantique. Est-ce une raison suffisante pour lui témoigner, à chaque film ou presque, une indulgence que le niveau général de ses mises en scène n'autorise plus trop au regard de ce qu'il a incarné dans les années 80 et 90 ? 

Déjà chroniqués lors de la sortie de Quand on a 17 ans, cet âge d'or et cette chute qui n'en finit pas ne méritent guère d'autres développements, sauf à préciser la généalogie dans laquelle s'inscrit l'échec de L'Adieu à la nuit. Un fait d'actualité qui vient se greffer à un univers secret, tourmenté et quelque part intemporel, cela renvoie évidemment à l'édifiante Fille du RER. Après l'agression antisémite simulée, la radicalisation islamiste et le départ en Syrie.

Dans les deux cas de figure, hélas, le hiatus est béant entre le sujet et le cinéaste qui le met en scène. À vouloir fuir -et c'est à son honneur- le sujet-dossier, Téchiné transpose en apesanteur un essai de David Thomson (Les Français jihadistes) en l'enrobant dans un milieu rural, façon Ma Saison préférée. On y retrouve Catherine Deneuve en plein tournis, et pas seulement parce qu'elle dirige un manège équestre. Que faire de ce petit-fils converti prêt au grand voyage en embarquant au passage sa copine ?

On l'aura compris, le jihad est dans le pré. Le petit-fils en question n'est pas d'ailleurs très discret lorsqu'il y fait ses prières jusqu'à se faire facilement repérer par sa mamie. On a connu des islamistes plus clandestins. Ce n'est d'ailleurs pas la seule invraisemblance d'un récit mené avec beaucoup de légèreté. Dans le même ordre d'idées, et alors que le récit se déroule au printemps 2015, on trouvera quelque peu suranné le fait que les mots Charlie Hebdo ne soient prononcés que dans la toute dernière ligne droite du film.

Téchiné prend soin, par ailleurs, à pas enfreindre les règles du politiquement correct. Le radicalisé est un Français bon teint, tandis que deux personnages secondaires, l'associé de Deneuve ainsi qu'un jeune repenti, sont censés incarner l'arabité acceptable. D'où viennent, finalement, tous ces personnages ? Quelle est la nature de leur cheminement ou de leur égarement ? On ne le saura pas. Seul semble compter le fossé entre générations. En la matière, Catherine Deneuve ne décevra pas ses admirateurs. Mais quelle candeur et quel manque de souffle dans la manière de se frotter à un sujet aussi brûlant !

L'Adieu à la nuit, André Téchiné (Sortie en salles ce mercredi 24 avril)

 

 

 

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L'adieu à la nuit

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