Vendredi 24 janvier 2025 par Laurent Sapir

La Voyageuse

Champêtre et espiègle, Isabelle Huppert se fond à merveille dans l'univers si frais d'Hong Sang-soo. Elle joue aussi de la flûte, et tout le monde semble tomber sous son charme. 

 

Voyageuse ou messagère ? Pour sa troisième collaboration avec Hong Sang-soo après le prodigieux In Another Country et l'anecdotique Caméra de Claire, Isabelle Huppert a des airs de divinité annonciatrice. Surgi de nulle part, sans argent ni moyen de subsistance, Iris vivote en donnant des cours de français à des adultes, quitte à user d'une étrange pédagogie. Plutôt que d'ânonner des phrases toutes faites, elle invite ses élèves à verbaliser leurs émotions avant de les retranscrire en français, mais à sa manière. À charge ensuite pour l'élève d'en mémoriser le contenu grâce à un magnéto-cassettes.

Un morceau joué au piano ou un poème gravé sur une pierre deviennent ainsi motifs d'élucidation -ou de révélation- de soi par l'entremise de cette dame cachant on ne sait quel jeu et dont l'espièglerie permanente dans le regard intrigue. Surtout lorsque Hong Sang-soo la révèle, plus tard dans le récit, en train de jouer de la flûte à bec dans un parc. 

Est-ce ainsi, tel un remake de La Flûte enchantée, que l'étrange Iris attire dans ses filets un jeune colocataire coréen avec lequel elle entretient, bien qu'elle s'en défende, une relation pour le moins ambiguë ? Séoul et ses espaces verts sont l'écrin rêvé pour cette déambulation printanière constamment aérée avec ses variations, reprises et autres jeux de miroir d'un dialogue à l'autre.

Mi-fée, mi-fantôme, Isabelle Huppert en est le fascinant trait d'union avec son chapeau et sa robe à fleurs, son gilet vert, sa manière d'embrasser n'importe qui sur les deux joues et son goût insatiable pour le magkeolli, un alcool de riz peu alcoolisé. Elle a aussi une façon bien à elle de se ressourcer en s'allongeant sur un rocher jusqu'à cet ultime gros plan, le visage endormi, Hong-Sang-soo semblant alors emporter l'une des comédiennes phares du cinéma français vers un ailleurs qu'on ne lui soupçonnait point.

La Voyageuse, Hong Sang-soo (sortie en salles ce 22 janvier)