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BONGO BLUES
FRANK MINION

Ironside

Le samedi 29 juin 2019, par Laurent Sapir
Le meilleur de la crème anglaise... Une musique urbaine, accrocheuse et dopée à la spiritualité flûtée d'un Yusef Lateef dont "Ironside", le nouvel album de Ruby Rushton, fait groover tous les sortilèges.

Yo-yo permanent entre l'underground et le mainstream, passerelles en tous genres au miroir des flux migratoires qui l'irriguent, vernis hype mais sans jamais faire table rase du passé... La nouvelle scène londonienne chahute allègremment la planète jazz. Plus qu'un Shabaka Hutchings dont les circonvolutions ont parfois tendance à nous perdre, le quartet Ruby Rushton en résume toute l'effervescence, comme on a pu le voir au printemps au Duc des Lombards lors d'une Brexit Week homérique à bien des égards.

À la tête de ce groupe, le saxophoniste, flûtiste et fondateur du label 22a Ed "Tenderlonious" Cawthorne. Fils de militaire, il arbore aujourd'hui capuche, survêt, tatouages, et la musique qui va avec: résolument urbaine, urbaine et accrocheuse, arrimée en même temps à la spiritualité flûtée d'un Yusef Lateef dont le quartet fait groover les sortilèges.

Enregistré en deux jours aux mythiques studios Abbey Road, leur nouvel album, Ironside, lorgne également vers des accents afrobeat et house, avec en supplément d'âme un parfum vintage, B.O. années 70 et Blacksploitation remixée par un Quentin Tarantino dans sa période Kill Bill. Autre référence ciné, Kristof Komeda, qui mit en musique les premiers films de Roman Polanski et pour lequel l'ultime plage du disque vaut requiem.

Mais c'est surtout le premier titre, One Mo'Dram, qui donne le ton avec son riff d'enfer, son ambiance de jungle, et la richesse des timbres fournis par le trompettiste et percussionniste Nick Walters, le claviériste Aidan Shepherd et le batteur Tim Carnegie. Avec sa jouissive intro à la flûte et ses effets wah-wah, Where Are You Know? emballe encore d'avantage. Le batteur s'en donne à cœur joie sur The Target ainsi que sur le morceau éponyme du disque tandis que Return of The Hero et Triceratops/The Caller scotchent par leur densité.

Difficile, enfin, de résister à l'émotion de Prayer for Genfell, cet oratorio dénudé à la flûte, tout d'abord, puis ce cri sourd, livide, toujours en solo et qui fait trembler les murs à la mémoire des malheureux incendiés de la tour londonienne dont la plupart des occupants appartenaient à la classe ouvrière britannique. De Tarantino à Ken Loach, la boucle est bouclée. 

Ironside, Ruby Rushton, 22a

 

 

 

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