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WHEN YOU WISH UPON A STAR
KENNY WERNER/TOOTS THIELEMANS

Invincible

Le lundi 05 janvier 2015, par Laurent Sapir

On entend déjà la comparaison qui fait hurler... Avec son scénario pour le moins éprouvant, Invincible ne ferait que s'inscrire dans la grande lignée de Twelve Years a Slave, le film de Steve McQueen sur l'esclavage. De quoi hurler, en effet. Là où le réalisateur britannique ne faisait confiance qu'à la puissance de sa mise en scène en privilégiant le dépouillement sur le pathos tout en donnant à ses personnages une densité extraordinaire, Angelina Jolie pontifie la saga d'un "héros américain" sur une durée sans âme de 2h18.

On a du mal à comprendre ce que les frères Coen, commis pour le scénario, ont été faire dans une pareille  galère et surtout quel a été leur apport dans l'odyssée-marathon, si on peut dire, de cet ancien coureur olympique qui ne cesse de tomber de Charybde en Scylla durant la Seconde Guerre Mondiale. On éprouve les mêmes difficultés, au passage, à saisir la délicatesse de coeur de quelqu'un comme Angelina Jolie lorsqu'on énumère ce qu'elle fait subir au spectateur... A savoir une série de mitraillades dans un bombardier en perdition, séquence réitérée et ponctuée, cette fois-ci, par un crash en plein coeur du Pacifique. À peine remis de ces vilaines secousses, nous voici transbahutés dans un canot de sauvetage dérivant pendant plusieurs semaines avec à bord trois malheureux rescapés affamés, assoiffés et dont l'agonie n'est perturbée que par des rencontres agitées avec de vilains requins.

Là encore, le spectateur n'aura guère droit à un répit salutaire, deux des trois naufragés (le 3e a préféré rendre l'âme avant de connaître un nouvel enfer...) étant expédiés dans un camp de prisonnier japonais, nos "amis" de l'Empire du Soleil Levant étant relativement connus pour ne pas traiter sur le mode de l'angélisme les proies dont ils ont la garde. Survie, courage, rédemption... Ou plutôt sévices, outrages et exagérations. Si Jack O'Connell, qui tient le rôle principal, parvient à résister à l'emphase du propos, on ne peut que déplorer la gloriole pro-USA qui dégouline tout au long du récit.

On veut bien frémir pour tous les Il faut sauver le soldat Ryan de la terre, mais la scène où l'un des prisonniers s'effondre en larmes à l'annonce de la mort de Roosevelt est d'un guignolesque achevé. On restera tout aussi perplexe devant l'occultation de la foi du héros. Dans le livre dont est inspiré le film, Louie Zamperini, l'ex-coureur crashé, naufragé et torturé, témoignait après-guerre d'un étonnant sens du pardon à l'adresse de ses anciens geôliers. Cette dimension christique est pratiquement absente de Invincible. Ne reste qu'un vague périple SM dont le sens et l'utilité nous échappent quelque peu.

Invincible, Angelina Jolie (Sortie le 7 janvier)

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