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Highway Rider

Le dimanche 25 avril 2010, par Laurent Sapir

Excès de vitesse, ralentissement brusque, virage soudain, phares allumés en plein jour... Si jamais vous croisez Brad Mehldau sur la highway de ses rêves, précipitez vous sur la bande d'arrêt d'urgence sauf à vouloir tenter un mauvais remake de Crash. Derrière la glissière de sécurité, en revanche, c'est Byzance. Highway Rider est inclassable, supersonique, protéiforme, tentaculaire. C'est un objet du futur, un cocktail explosif de tout et son contraire, une folie en 3D et en 2 CD... Les Américains ont adoré. Dés que c'est mélangé de toute façon ils adorent. Au pays du crossover, Brad Mehldau est citoyen du monde. En France, c'est plus compliqué...

"Il ne pense pas assez ses compositions par combinaisons timbriques", ai-je lu quelque part... Certes, le timbrique titube, mais le symphonique exulte. Dans la grande veine d'un Claus Ogerman qui serait passé sous amphet', Brad Mehldau joue des cordes et varie les textures sur le mode border line... Une avalanche de violons, la double batterie qui relève la tête, le soprano qui chancelle puis s'envole, la douceur d'un clavier... Serions nous trop cartésiens ou trop "solfégiens" pour apprécier l'aventure ? Jusqu'à quand ces cris d'orfraie dés que le jazz fait jointure entre pop et classique ? Pourquoi, après avoir infligé le même rappel à l'ordre à Coltrane, faudrait-il que Brad Mehldau soit à son tour sommé d'élaguer, de retrancher, de ratiboiser ? Boursouflé, dites vous ? Mais dans "boursouflé" il y a "souffle" !

Alors oui, avec Brad Mehldau et celui dont il fut le pianiste dans son premier quartette, le saxophoniste Joshua Redman, We'll Cross The River Together (meilleur morceau du disque), vibrant au rythme des archets, des carillons et autres paillettes lumineuses qui font de cet album une suite royale pour grand palace... Un palace dont on ne négligera aucune pièce: les grandes chambres pour grand orchestre, bien sûr, mais aussi la quintessence pop de John Boy et Don't be Sad , le groove latinisant de The Falcon Will Fly Again et Capriccio, les accents bluesy de Sky Turning Grey, ou encore le poignant Old West où le dialogue avec Joshua Redman, non plus en soprano mais en ténor, atteint des sommets...

Il est aussi question dans Highway Rider d'un homme qui part en voyage pour faire l'apprentissage de la solitude même si au cours de son périple il lui arrive de rencontrer d'autres gens... En haut d'une montagne, il se rend compte que ce voyage n'est qu'un cycle dont il n'a arpenté que la moitié du parcours... Il sait qu'en redescendant sur l'autre versant, ses pas le ramèneront chez lui... Pour l'instant, avec seulement dans les mains ce Highway Rider prodigieux d'invention, de lyrisme et de plasticité, on n'a que la musique du film, et il n'y a pas mieux comme bande-annonce..

Highway Rider, Brad Mehldau (Nonesuch Records)

 

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Highway Rider

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