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NO FOOLS, NO SWINGS
GERARD BADINI

First Man

Le samedi 20 octobre 2018, par Laurent Sapir

Le spleen galactique lui va assez bien, à Damien Chazelle. Bien plus en tout cas que le formol sirupeux de La La Land. Face à l'épopée Neil Armstrong, le premier homme à avoir marché sur la lune, le réalisateur de l'électrisant Whiplash tourne le dos, justement, à tout survoltage. Il opterait plutôt pour une sobriété inattendue et souvent poignante, même si elle n'est pas sans risques en termes de rythme et d'adrénaline.

Le segment narratif du film est donné dés le départ. Sept ans avant ce 20 juillet 1969 qui fera le tour du monde, l'astronaute perd sa fille, Karen, frappée à seulement 2 ans d'une tumeur au cerveau. Armstrong n'en dira rien, foncera tombeau ouvert, si on peut dire, dans le boulot acharné, l'étude des courbes et des vitesses, les vols préparatoires. A l'extérieur, il paraît complètement armoire. Dedans, la maison brûle, et ce qui reste de liens familiaux est à deux doigts d'exploser.

Les premières larmes de l'homme sur la lune, donc... Une lune-cimetière avec le drapeau américain filmé de biais, genre plan de coupe,  et ce fameux "petit pas" dans une poussière de cendres. Ce n'est pas la première fois que Ryan Gosling campe un introverti. Cela peut lasser. Il n'empêche que l'acteur ne déroge pas à la justesse de ton qu'un tel profil se doit de convoquer. Ce qui peut d'avantage troubler tient à la minceur du segment "chazellien".

Armstrong endeuillé, soit. Cela suffit-il à solidifier un propos et à éviter un syndrome calme plat alors même que le film "tangue" beaucoup par ailleurs lors de scènes de pilotage ? À vrai dire, le jeune réalisateur se tire lui-même une (petite) balle dans le pied lorsque, dans le dernier tiers du récit, il filme une séquence où les Noirs américains, en pleine période Black Power, brocardent le caractère dispendieux du programme Apollo. De quoi ouvrir d'autres angles d'attaque que la mise en scène, hélas, ne peut guère prolonger. On reste donc bien, effectivement, à quelques années-lumière d'un film comme L'Étoffe des héros, même si celle de Neil Armstrong est tissée avec tact et sensibilité.

First Man, Damien Chazelle (le film est sorti mercredi)

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