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Diagnostic

Le dimanche 25 septembre 2011, par Laurent Sapir

Puisqu'il est question ici de diagnostic -c'est le titre du nouvel album d'Ibrahim Maalouf- le stéthoscope captera en premier lieu des battements de coeur anormalement bordéliques, une trompette qui fait des trous dans le palpitant, et puis aussi un piano, des choeurs et des sonorités latino-orientalo-balkanisto-sudistes qui font perdre définitivement le Nord. L'arythmie paraît dans le même temps moins prononcée que dans les deux opus précédents, comme si être né à Beyrouth, sous les bombes, un 5 novembre 1980, ne prédisposait pas forcément au chaos permanent. C'est en réalité dans ses paysages les plus intimes et les plus introvertis, à l'image du morceau éponyme de l'album, que "Diagnostic" s'impose  comme le plus beau disque d'Ibrahim Maalouf.

On peut, bien sûr, flasher avec délice sur la fanfare balkanique de "Will Soon Be A Woman" (Certainement l'un des sommets de la playlist TSFJAZZ version 2011) ou alors sur l'embardée à la Omar Sosa de "Maeva in Wonderland" mais on aurait tord de passer à côté de l'intro au piano (c'est la première fois qu'on entend Ibrahim Maalouf jouer ainsi du clavier) qui précède ces deux titres... Il faut dire que dans "Diagnostic" les morceaux marchent en tandem. Tel un architecte des rencontres improbables, Ibrahim Maalouf juxtapose, dans le mouvement qui va, par exemple, de "Your Soul" à "Everything or Nothing",  un fragment de sonate, des choeurs inspirés de la tradition Soufi et un chorus brumeux à la Miles Davis...

On pense souvent à Miles, à vrai dire, tout au long de cet album où la trompette est aussi attentive à la pureté d'une sonorité qu'à l'espace et aux climats créés autour d'elle. Une "douce transe" -celle que rappe Oxmo Puccino dans l'un des morceaux du disque- imprègne subrepticement ce "Diagnostic" où pointent également les embrasements et peut-être aussi les déchirements personnels du trompettiste franco-libanais. Ibrahim Maalouf a notamment dédié chaque titre à un membre de sa famille avant de conclure sur le trauma originel, ce "Beirut" qu'il interprétait uniquement sur scène jusqu'à présent et dont on n'aura jamais fini d'épuiser la puissance lyrique et le crescendo heavy metal... Très très grand disque, et très très grande fierté également de voir ma radio soutenir à fond les manettes un musicien doué par ailleurs d'une intégrité exceptionnelle...

"Diagnostic", Ibrahim Maalouf (Mister Productions/Harmonia Mundi). Emission spéciale avec le trompettiste, ce lundi 26 septembre, à 19h, dans "Les Lundis du Duc" en direct du Duc des Lombards.

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