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1917

Le dimanche 19 janvier 2020, par Laurent Sapir
Derrière le plan-séquence ou ce qui y ressemble fort, une bombe humaine... Avec "1917", Sam Mendes réconcilie virtuosité technique et puissance d'émotion.

Un soldat qui court le long d'une tranchée, quand d'autres en sortent pour monter au front... Cette perpendiculaire d'anthologie dans l'un des plans les plus forts du film en résume tout le climax formel, toute la puissance d'émotion, tout le caractère d'hymne fraternel (un hymne, c'est le contraire d'un long discours...) contre les mythologies guerrières. Le 1917 de Sam Mendes aurait enchanté le Dalton Trumbo de Johnny Got His Gun, modèle du film de guerre pacifiste.

Le pitch, déjà, a valeur de manifeste. Deux soldats britanniques en mission en pleine Première Guerre Mondiale. Leur but: empêcher une attaque contre les Allemands synonyme d’hécatombe. Ces derniers ont tendu un piège mortel à une autre unité alliée qu'il s'agit de prévenir au plus vite, même s'il faut pour cela traverser les lignes ennemies. George MacKay et Dean-Charles Chapman incarnent fièvreusement ces deux gamins qui, en quelques heures, prennent dix ans de plus dans la tronche. Surtout ne pas s'apesantir, ne pas consentir un quelconque geste d'humanité envers l'ennemi, au risque de perdre son compagnon d'armes. 

On est d’autant plus avec ces deux-là  que la caméra ne les lâche pas, sous forme de plan unique qui n’exclut pas une variété de décors et de situations. On a parfois l’impression d’être dans ces jeux vidéo où l’on suit l’action quasiment en caméra subjective. Sam Mendes opère pour ainsi dire à l'aveugle, créant une immersion mais aussi, paradoxalement, une sorte de distanciation avec le réalisme guerrier, comme si le mental primait avant tout.

De quoi ménager, au milieu des rats qui grouillent, des ruines illuminées par des halos de fusées et des églises éventrées, de fantastiques moments d’humanité. Faut-il s'en étonner de la part du réalisateur d'American Beauty et Les Noces Rebelles ? Un jeune soldat au repos sous un arbre, un nourrisson caché dans une cave, un chant en pleine forêt...Ces moments poignants ne manquent pas. Même densité dans la palette picturale imaginée par Rodger Deakins, le chef opérateur des frères Coen… Bref, on croise les doigts pour l’Oscar du meilleur film.

1917, Sam Mendes (Le film est sorti mercredi dernier)

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