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Yesterday You Said Tomorow

Le samedi 27 février 2010, par Laurent Sapir

Le plus beau disque de ce début d'année porte la signature de Christian Scott. Sa trompette voyage comme Don Cherry et chante comme Chet Baker. Son quintette cultive un sens de l'espace et une force d'exposition comparables à la 2ème dream team de Miles Davis. Son art, enfin, est emprunt d'une modernité, d'une authenticité et d'un devoir de mémoire qui font  honneur à la conscience afro-américaine. Tout est beau dans "Yesterday You Said Tomorrow", à commencer par le titre de l'album, comme un trait d'union baladeur entre les combats des années 60 et les urgences du nouveau millénaire à l'heure où la présidence Obama nourrit les premières déceptions.

Christian Scott a 26 ans, et il a titré l'un de ses morceaux "American' t"... Il arrive après Katrina (c'était le thème de son précédent album, "Anthem"), et c'est à l'enfer carcéral de la prison d'Angola, en Louisiane, où tant de détenus noirs sont réduits au rang d'esclaves, que ce natif de la Nouvelle-Orléans dédie son "Attica Blues" à lui,  " Angola, LA & The 13th Amendment"...

L'album débute sur "KKPD", quartet de majuscules cash pour raconter le Ku Klux Police Department, avec en intro le jet de guitare électrique, la batterie qui déboule, et le son de trompette qui surnage dans l'oeil du cylone... On est d'emblée jeté dans un océan de lyrisme, de rage et de liberté contre lequel on échangerait tous les Wynton Marsalis et autre Terence Blanchard de la terre... Egalement phénoménal, le travail sur le son, avec  tout le savoir-faire de Rudy Van Gelder, l'immémoriel masteriser des années Blue Note.

Un son tour à tour voilé, poisseux, velouté, moins hip-hop/soul qu'auparavant , et dont les déliés ne sacrifient jamais la ligne mélodique qui rend certains morceaux inoubliables, à l'instar de  "An Unending Repentance", "Angola..." ou encore "The Eraser", reprise du chanteur de Radiohead transcendée par le clavier granuleux de Milton Fletcher Jr... Il faudrait aussi citer Kristopher Keitt Funn à la basse,  Matthew Stevens à la guitare et à la batterie, le fulgurant Jamire Williams qui, sur scène, a vraiment l'allure d'un néo- Black Panther échappé d'un mauvais rêve de James Ellroy.

On garde le meilleur pour la fin: une "gorgeous" ballade, comme disent les Américains... "Isadora"... Un prénom qui aura peut-être la destinée d'une "Naïma"... "Yesterday You Said Tomorrow", de Christian Scott (Universal) P.S. A lire également, sur le même sujet, le blog de David Koperhant. Parti comme c'est, et à en croire d'autres avis autorisés au sein de l'équipe de TSFJAZZ, il va finir très haut dans le top ten 2010, le disque de Christian Scott...

Yesterday You Said Tomorrow, Christian Scott (Concord Music)

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