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Voyage à travers le cinéma français (la série)

Le mercredi 03 octobre 2018, par Laurent Sapir

De quoi le service public est-il le nom lorsqu'il relègue la nouvelle ode au cinéma français de Bertrand Tavernier sur une chaîne dont l'audience ne dépasse guère les 4% -France 5 en l'occurrence- et à une heure indigne, genre 23h30 des poussières ? Hommage narquois au réalisateur de Autour de Minuit ?

Passons sur cette mise au point, d'autres sont bien plus essentielles, surtout quand elles passent par un regard aussi généreux et aussi passionné. Dans le prolongement du prodigieux panoramique de plus de trois heures qu'il avait signé en 2016 pour le grand écran, Bertrand Tavernier décline désormais son Voyage à travers le cinéma français en huit épisodes, chaque dimanche soir. Trois d'entre eux ont déjà été diffusés, les meilleurs sont à venir.

"Commençons par le sujet qui fâche: oui, Claude Autan-Lara a tenu des propos antisémites absolument impardonnables".  La voix tendue, presque tremblante, Bertrand Tavernier met les points sur les i au sujet du réalisateur de La Traversée de Paris. Sa voix s'adoucit, ensuite, pour souligner à quel point l'œuvre a pu contredire la vieillesse d'Autan-Lara quand elle devenait naufrage. Avant d'insulter Simone Veil, ce fils d'une sociétaire de la Comédie-Française affiliée à la CGT plaidait pour l'IVG dans Journal d'une femme en blanc. En pleine guerre d'Algérie, il s'endettera pour réaliser Tu ne tueras point, hymne à l'objection de conscience comme Le Mariage de Chiffon fut un pavé féministe dans la mare de l'Occupation.

René Clément, Georges Clouzot... Autres cinéastes des années 40 engloutis, plus tard, sous le label "qualité française" et dont Tavernier remet au goût du jour la pertinence de regard et les trouvailles d'écriture. Rappelant qu'un film comme La Bataille du Rail n'appartient pas vraiment au registre du cinéma de studio tant décrié à une certaine époque, il reprend à son compte la formule de François Truffaut sur la "nouvelle vague de l'Occupation".

On ne se calque pas forcément sur tous ses emballements (la Nouvelle Vague -la vraie- est passée par là..), mais le florilège des séquences qui étayent le discours a l'immense mérite de renouveler le regard sur la cinématographie hexagonale d'antan. Surtout quand le réalisateur d'Un Dimanche à la campagne réhabilite des inconnus ou presque à l'instar de Pierre Chenal et Henri Calef, des trop tôt disparus comme Philippe Fourastié, le réalisateur de La Bande à Bonnot, ou alors Bernard Paul, ce réalisateur communiste qui, avec Le Temps de vivre (1969), filmait déjà tout ce qu'il y avait à filmer en matière d'aliénation consumériste...

Il nous fait surtout partager ses coups de foudre pour des œuvres rares: L'Amour c'est gai, l'amour c'est triste de Jean-Daniel Poullet avec un énième numéro d'anthologie de Jean-Pierre Marielle, le film de Jacques RouffioL'Horizon, dont le duo Jacques Perrin Macha Méril laisse tellement rêveur... Le regretté Pierre Rissient traverse le dernier épisode. Le tandem d'attachés de presse qu'il formait avec Bertrand Tavernier se battait jusqu'à l'os pour les réalisateurs qu'ils défendaient, jusqu'à trouver les salles et les circuits pour distribuer leurs films. Camaraderie de luttes, de bagarres et d'éclats de rire... C'est dire à quel point ce si beau voyage échappe à tout didactisme.

Voyage à travers le cinéma français, Bertrand Tavernier (prochain et quatrième épisode, dimanche 7 octobre à 23h30). Coup de projecteur avec Bertrand Tavernier ce vendredi, sur TSFJAZZ, à 13h30.

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