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JAIMEO BROWN

Visiting jazz

Le jeudi 12 novembre 2009, par Laurent Sapir

Il a été la plume américaine de Jazzman avec, au programme, des dizaines d'entrevue dans l'environnement intime des dieux, des demi-dieux ou alors des simples troubadours du jazz, "cette kyrielle d'illustres anonymes, écrit-il, dont on ne sait que faire, sans trop savoir pourquoi la notoriété les a déjoués". Thierry Pérémarti a su ainsi créer un rendez-vous singulier avec les lecteurs de la revue, et en même temps, très curieusement, le simple fait de regrouper ses articles dans un livre joliment intitulé Visiting Jazz donne un tout autre éclairage à son travail.

Gato Barbieri reçoit en kimono, mais il a besoin d'être allongé au lit pour se confier... Anita O'Day est prête à bavarder à condition qu'on lui apporte une boîte de chocolats. C'est entre deux paniers de basket que Marcus Miller, complètement en nage, accepte le micro-cravate... L'interview "à domicile " n'a pas forcément lieu entre quatre murs... Une partie de pêche, un terrain de golf, une virée en Cadillac, un rendez-vous au parc, assis sur l'herbe... Dis moi où tu reçois, je te dirai qui tu es... Et quand ça se passe à la maison, même si on vous accueille en chaussettes ou en pyjama, le tête-à-tête n'a vraiment rien de pantouflard... Surtout lorsqu'on est, parfois, un peu en bout de course...

Il y a ceux que Thierry Pérémarti croyait morts et qui sont toujours en vie, et puis aussi ceux qui ne sont pas très bien portants, qui ont décidé de ne plus se cacher, qui disent l'amertume, la sueur, la précarité, la bagarre quotidienne pour vivre de son instrument, quitte à se faire oublier en jouant les obscurs sidemen dans les grands studios, comme ce fut le cas pour de nombreux musiciens de la West Coast... Ceux là n'ont même pas le coeur à entretenir les vieux mythes du jazz cool "doux et blanc", comme le murmure Teddy Edwards qui, lui, était fougueux et noir...

L'ouvrage évidemment doit beaucoup aux qualités d'écriture de Thierry Pérémarti... Son art du portrait tient parfois en quelques mots: Bobbie Hutcherson, écrit-il, "vient des années Blue Note, des sixties version Martin Luther King et des ghettos qui brûlent"... De Sheila Jordan il souligne que "son amour du jazz est indestructible. Irrévocable. Grandiose. Intact comme le rêve de cette adolescente qu'elle fut et qui, de club en club, courait après Charlie Parker"... Quand la plume est ce point concise et passionnée, et quand elle est  au chevet de ce qu'il y a de plus authentique chez les jazzmen et jazzwomen de l'autre rive de l'Atlantique, on devine alors que ce Visiting jazz de Thierry Pérémarti va bien au-delà de la simple visite de courtoisie.

Visiting jazz: quand les jazzmen américains ouvrent leurs portes, de Thierry Pérémarti (Editions Le Mot et le Reste)

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