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Une rencontre

Le mercredi 25 mars 2009, par Laurent Sapir

On se souvient de l'un de ses plus beaux romans, "La Vie est ailleurs"... Il n'a aucune raison, Milan Kundera,  de réviser cette profession de foi. Ailleurs, il l'est de plus de plus... Une accusation dégueulasse, il y a quelques mois, à propos de son intégrité dans l'ancienne Tchécoslovaquie stalinienne, aurait pu l'amener à s'exprimer publiquement, mais il est resté silencieux, au nom d'une certaine conception de l'exil et du détachement par rapport à l'écume et au superflu.

Ce détachement, Kundera en parfume toutes les pages de son nouvel opus, "Une rencontre". Ce n'est pas un roman. Ce n'est pas vraiment non plus ce qu'on pourrait appeler un essai. Parlons plutôt de promenade... Notes de lecture, de peinture, de musique et de cinéma... Instantanés, reprises, exquises esquisses d'un panorama des arts qui n'a rien à voir avec les valeurs en vogue.

Il y a toujours des étonnements d'exilé dans la prose de Milan Kundera... Pourquoi Aragon est-il si peu fier d'avoir démoli Anatole France? Comment se fait-il que les grands héros littéraires n'aient pas d'enfants? Par quel sortilège de la traduction Rabelais a-t-il enchanté toute l'ancienne Europe de l'Est alors qu'il peuplait, dans notre hexagone, les cauchemars de plusieurs générations d'écoliers? Pourquoi ne parle-t-on plus de Fellini aujourd'hui?

Dans l'un des plus beaux chapitres du livre, Kundera l'Européen ne jure plus que par le soleil des Caraïbes... Là-bas, et notamment dans la solitaire Martinique d'Aimé Césaire, il a trouvé les formes littéraires les plus libres... Autre figure libre, cette femme écrivain chassée de Prague après 1968  et qui ne comprenait absolument pas pourquoi un romancier devrait forcément être le gardien de sa langue... Elle revendiquait au contraire ses élans nomades, sa volonté d'écrire dans une autre langue, la transformation de son bannissement en libération...

Un peu plus loin, Kundera affirme que la fidélité en amitié est beaucoup plus respectable que la fidélité à une conviction, qui peut avoir des aspects puérils... On lui reproche déjà ce passage, sans faire le moindre effort pour le relier à tout ce que l'auteur a déjà écrit dans le passé sur les faux-semblants du régime qui l'a brisé. Dans ces conditions, effectivement, Milan Kundera a toutes les raisons du monde de rester silencieux...

"Une Rencontre", de Milan Kundera (Gallimard) Sortie le 26 mars...

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