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Une Bête au Paradis

Le lundi 09 septembre 2019, par Laurent Sapir
Le rat des villes et l'araignée des champs... Avec "Une Bête au Paradis", grand prix littéraire Le Monde 2019, Cécile Coulon signe un récit gorgé de fougue et de sensualité qui redonne au roman rural ses lettres de noblesse.

Lorsqu'on a peur des araignées, chez Cécile Coulon, on les avale ! C'est Blanche, l'héroïne d'Une Bête au Paradis, qui donne l'exemple alors que son tempérament de jeune terrienne trébuche sur une trahison amoureuse: "Alors, elle porta sa main à la la bouche, les pattes entre ses lèvres fines se raidirent une dernière fois avant d'être mâchées, fruit pas mûr que l'on mord, encore et encore"... Une jeune romancière qui ose pareille scène n'est pas à prendre à la légère, surtout lorsque c'est tout son récit qui embarque le lecteur dans un précipité de passions sauvages, de déchirures et de possessions.

Au départ, donc, ce bout de terre nommé Paradis. Des étangs, des poules, une grange, et puis Émilienne qui élève ses deux petits-enfants orphelins, Blanche et Gabriel. Elle est dure à la tâche, la patriarche. Taiseuse, directe, mais protectrice. "Elle ressemblait à ce que la terre avait fait d'elle: un arbre fort aux branches tordues. Solide mais cassée". Un peu comme Louis, le jeune commis cogné par son père avant d'être recueilli dans la ferme. Il sera l'homme à tout faire, rongeant son désir en secret lorsque Blanche devient une jolie jeune fille. 

On n'en sortira pas, ou presque, de ce vaste enclos. Elles ne veulent pas en sortir. Ni Émilienne, ni Blanche. Les bêtes à nourrir, l'appel de la terre... Leurs corps de femmes se modèlent sur ce quotidien, dans ce Paradis barbelé qu'il n'est pas question de quitter, y compris lorsqu'un bellâtre vient tout chambouler dans le cœur et le corps de Blanche. Il s'appelle Alexandre. C'est une âme tendre, bienveillante... et ambitieuse. Avec Le Paradis comme terrain de jeu.

Sur ce damier cruel ponctué d'un bouquet de campagne dans une fosse à cochons, Cécile Coulon entrelace son araignée des champs et son rat des villes sans ménager sa fougue et la sensualité de sa prose. On pense parfois au Marcel Pagnol d'Angèle (et donc aussi à Jean Giono...) avec sa beauté brute, son lyrisme écolo et ces archétypes qui, en même temps, savent si bien vibrer. Un zeste de fantastique en bonus, et on est définitivement conquis.

Une Bête au Paradis, Cécile Coulon (Éditions L'Iconoclaste). Coup de projecteur avec la romancière, ce mardi 10 septembre, sur TSFJAZZ (13h30)

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