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IN A SENTIMENTAL MOOD
JOHN COLTRANE

Sur la dalle

Le lundi 22 mai 2023, par Laurent Sapir
Retour manqué pour Fred Vargas. Après six ans d'absence, la mortelle randonnée dans un village breton de son commissaire préféré, Adamsberg, penche un peu trop vers l'artillerie lourde.

Il nous a manqué, indiscutablement. Six ans après son escapade au royaume des araignées (Quand sort la recluse), le commissaire Adamsberg s'entiche d'un hérisson dès les premières pages de Sur la dalle, le nouveau polar de Fred Vargas. Toujours aussi décalé, l'enquêteur que sa brigade surnomme le "pelleteux des nuages "... Toujours aussi captif également de ces étranges passages à vide pas si dégarnis qu'ils en ont l'air dès lors que remontent à la surface, telle l'épave sortant de la vase, les clés de l'énigme que le commissaire va une fois de plus réussir à résoudre.

Il lui suffit pour cela de bien prêter l'oreille, et surtout de bien décrypter les intuitions que lui transmettent les propos ou les gestes pourtant anodins de tel ou tel interlocuteur. L'expression "coller un assassinat sur les épaules ", par exemple, taraude étrangement le commissaire. Même perplexité de sa part quand l'un de ses adjoints "se tape le front" en évoquant le caractère malin d'un tueur. Il faut toute la fantaisie et la belle sensibilité de Fred Vargas pour transformer ces éléments en indices une fois qu'Adamsberg se sera dépêtré du "désordre de sa logique " et des "sentiers sinueux et inusités " qu'elle emprunte.

Si l'écrivaine et ex-archéozoologue déçoit pour la première fois, c'est qu'elle ne s'en tient malheureusement pas à l'univers qui lui sied tant. Vargas perd son hérisson, donne le change pendant un moment avec les fameuses puces qu'un tueur breton laisse sur chacune de ses victimes, puis elle cale inopinément dans la conduite de son intrigue. Surviennent soudain des coups de filet harassants, des flics en pagaille, des malfrats aussi inintéressants que le contenu de leurs coffres, ainsi que d'interminables agapes dans l'auberge du coin...

On l'aurait rêvé plus solitaire, notre Adamsberg préféré, ou alors plus littéraire puisqu'il croise ici un sympathique héritier (et sosie) de Chateaubriand ainsi qu'un bossu qui se débarrasse... de sa bosse. De quoi trancher avec l'artillerie lourde déployée par ailleurs. De fait, Adamsberg déambule moins que d'habitude malgré une ou deux séances de yoga intellectuel sur un dolmen qui donne son titre à ce nouvel opus. Sur ce type de dalle, hélas, si mégalithique soit-elle, le manque de souplesse ne pardonne pas.

Sur la dalle, Fred Vargas (Flammarion)

 

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