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BEYOND THE SEA
BOBBY DARIN

Richard Yates

Le mercredi 18 janvier 2012, par Laurent Sapir

Une lycéenne boulimique et un jeune poète rongé de solitude se connectent comme ils peuvent sous la plume faussement invertébrée de Tao Lin, un jeune écrivain américain d'origine taïwanaise que d'aucuns décrivent déjà comme le "Kakfa de la génération IPhone" Le titre du livre, d'ailleurs, fait presque office de paravent. Plus que l'écrivain Richard Yates, essentiellement connu pour avoir inspiré le film "Les Noces Rebelles", Tao Lin se raccroche à des auteurs plus existentiels: Kafka, mais aussi Beckett, Salinger et surtout Bret Easton Ellis dont le minimalisme est porté, ici, à un degré de lividité et d'hypnose qui n'exclut ni la tendresse, ni l'émotion.

Ça tient sans doute au personnage de la fille, Dakota Fanning. Elle est particulièrement touchante. Tao Lin a emprunté son nom à celui d'une enfant-star. Même topo pour son amant, Haley Joel Osment (c'est le nom de l'acteur qui jouait le garçon perturbé dans "Le Sixième sens")... Elle a 16 ans, lui 21, mais ils partagent le même trip, les mêmes codes, les mêmes névroses également, et comme ces deux-là ne vivent pas au même endroit puisqu'elle habite avec sa mère dans le New Jersey alors que lui végète à New-York, eh bien c'est d'abord en s'échangeant des mails et des SMS qu'ils apprennent à s'aimer.

L'audace de Tao Lin est d'avoir su créer un style -voire même une syntaxe- complètement au diapason de ce que cette web-romance peut avoir de désincarné, même si son écriture fait également écho au mal-être de ses personnages, à l'ennui qui les dévore et que leur inspire le monde adulte, et aussi à la fantaisie qui est leur seule bouée de secours dans l'Amérique bien-pensante C'est cet univers à la fois fantasque et déglingué qui nous emporte, surtout lorsque les deux amoureux parviennent à se rencontrer.

Là encore, le style de Tao Lin ne ressemble à rien de ce qu'on a pu lire auparavant dans la littérature américaine : "Dans une épicerie Dakota Fanning a volé du jus de grenade au thé vert et Haley Joel Osment a volé des tomates cerise bio. Ils sont sortis et ont vu un magasin à l'aspect étrange. C'était une autre épicerie. Ils sont entrés et ont volé une salade. Dans la rue Haley Joel Osment a dit: 'Regarde cette salade, tu la trouve pas belle ?' Il s'est arrêté et l'a photographiée avec son téléphone portable"... On peut très bien porter un regard narquois ou agacé sur cette écriture pas si neutre qu'elle en a l'air... On peut aussi y voir des effluves de roman-culte.

"Richard Yates", de Tao Lin (Editions du Diable Vauvert)

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