Pas de mariage et au moins quatre enterrements sont au programme du sublimissime "Restless", le nouveau film de Gus Van Sant. Il est vrai qu'il est particulièrement assidu aux cérémonies funèbres, le jeune Enoch, même lorsqu'il ne connait pas le défunt. Il met d'ailleurs autant d'ardeur, dans l'hiver de Portland, à arpenter les cimetières ou à prendre pour confident le fantôme d'un pilote kamikaze japonais de la seconde guerre mondiale tout droit sorti de son imagination.

C'est sur ces entrefaites que surgissent Annabel, sa coupe à la Jean Seberg et les trois mois qui lui restent à vivre. "J'ai été recalée", dira-elle à Enoch, pour bien lui faire comprendre que la tumeur dont elle est atteinte aura très vite le dernier mot. Trois mois, donc... Pas de mariage, on l'a déjà écrit... Pas de "ils vécurent heureux et ils eurent beaucoup d'enfants"... Juste quelques fragments amoureux entre deux jeunes gens  qui se rient de la mort et qui vont s'adorer doucement, sans effusions ni pathos, mais du fond du coeur, un peu comme les deux héros de La Balade sauvage de Terrence Malick, auquel Gus Van Sant rend d'ailleurs un hommage explicite à travers la séquence du xylophone...

Enoch présente Annabel à ses parents. Ou plutôt, il l'amène devant la tombe de ses parents et la scène est carrément tordante. Plus loin, dans le film, Enoch et Annabel interprètent une scène d'agonie. On les voit s'éclater également lors de la fête d'Halloween. Trop fun, la mort ! Gus Van Sant l'a déjà tant filmée, la garce, la Camarde, toujours en train de roder dans les territoires interdits de l'adolescence, sauf que cette fois-ci le regard du cinéaste se veut aussi lumineux que ses deux principaux comédiens (craquante et facétieuse Mia Wasikowska, intense Henry Hopper, le fils du regretté "Ami américain", alias Dennis Hopper...), et c'est cette lumière qui nous déchire l'âme, comme les derniers mots d'amour d'un kamikaze japonais qui refuse de crier "Banzaï !" au moment où l'avion atteint sa cible...

"Restless", de Gus Van Sant (le film est sorti en salles ce mercredi 21 septembre)