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Promises

Le dimanche 04 avril 2021, par Laurent Sapir
Un souffle vieillissant mais toujours aussi prophétique, celui de Pharoah Sanders, dans un grand bain d'electronica et de symphonie orchestrale... Envoûtant à souhait, "Promises" est bel et bien l'un des repères discographiques les plus incontournables du moment.

Un ouragan sort de sa retraite. Il n'a pas toujours été la houle déchaînée, et son jazz mystique a su aussi prendre des contours plus planants. Il n'empêche que l'héritage de Coltrane, son messie incarné, Pharoah Sanders l'a surtout prolongé en mode paroxystique. Roulis de grappes au sax ténor, tempêtes écorchées... Et voilà qu'au soir de sa vie et après un long silence, le légendaire octogénaire se sublime dans une autre liturgie. Normal, pour quelqu'un qui a souvent affirmé aimer toutes les religions pourvu qu'elles aient un créateur.

Ou alors un apôtre. Sam Shepherd par exemple, alias Floating Points, jeune geek anglais versé dans les neurosciences avant de se reconvertir dans l'électro expérimentale. Un mystique et un berger ("shepherd "), voilà une jolie rencontre. Surtout avec le London Symphony Orchestra pour enrober cette suite en neuf mouvements qui, à partir d'un simple motif mélodique titillé au clavecin ou à la harpe, nous hypnotise de toute sa magie pendant plus de 45 minutes.

Des nappes de synthé, un piano et des cordes enveloppent l'écoute progressivement. Un minimalisme tout en velouté imprègne les premiers mouvements, Pharoah Sanders excluant lui-même toute démonstration appuyée. Humilité d'un souffle à son crépuscule, mais avec toujours cette consistance venue du cœur. Lors du 4e mouvement, on entend aussi sa voix, doux scat ponctué d'étranges borborygmes. Peut-être ces fameux "ressorts imagés " auxquels se référait l'essayiste Roland Guillon lorsqu'il opposait l'art de Sanders à l'abstraction d'un Ornette Coleman.

La montée en puissance survient à partir du 6e mouvement. Les violons entrent en scène, la suite devient cinématique, et lorsque le saxophoniste revient au 7e mouvement, il livre une puissante envolée telle une réminiscence de ses anciennes furies free. Comme s'il avait trouvé l'assise céleste idéale, si on peut oser l'oxymore, pour redevenir le Pharoah Sanders d'autrefois. Le volume ensuite redescend peu à peu, des trous de silence entourent le motif initial au clavecin et la texture recouvre la mélodie avec des orgues façon jugement dernier. Promises laisse alors entrevoir sa visée finale: une galaxie à jamais étale dont les souvenirs de comètes passeraient à travers le saxo d'un prophète.

Promises, Floating Points avec Pharoah Sanders et le London Symphony Orchestra (Luaka Bop)

 

 

 

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