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Par dessus bord

Le mardi 03 juin 2008, par Laurent Sapir

Une note au hasard, en bas de page: "d' où sortent le marketing ? le jazz ? le happening ? Des Usa !!! " Quand il écrit " Par dessus bord" avant et après Mai 68, Michel Vinaver fait oeuvre de théâtre total. Tout ce qui lui passe par la tête se dévide dans une fresque socio-politico-culturo-éco-sociétale dont Christian Schiaretti, qui a succédé à Jean Vilar au TNP de Villeurbanne, nous donne à voir la version intégrale sur la scène de la Colline.

Le menu est copieux. Vinaver nous parle déjà de ce qu'il connaît le mieux, en tant qu'ancien cadre dirigeant du groupe Gillette: le monde des affaires. Il est question ici d'une entreprise française de papier toilette convoitée par les Américains. Une page se tourne: livré aux dieux du marketing qui n'ont pas grand chose à voir avec les divinités scandinaves dont se fait l'écho l'un des personnages de la pièce, le bon vieux capitalisme familial à la française laisse place à ce que l'auteur appelle un capitalisme "excrémentiel" qui sait parfaitement comment vendre, justement, du papier-toilette. Car selon Vinaver, "le capitalisme se régénère constamment, en jetant ses propres déchets, en faisant sa toilette. Il va aux toilettes et en sort en meilleure forme. L'éjection (des vieux, des non-productifs, des non-rentables) et la déjection font partie de son cycle de vie".

Et puisqu'il est question de papier-toilette, c'est l'absorption qui est également au coeur de la pièce. Maître en polyphonie, Vinaver absorbe dans un premier temps la question juive sur son canevas de départ, comme pour mieux pointer les vieux démons français. Il fait surgir à partir de là un personnage de pianiste dopé au free jazz qui représente l'intégrité mais qui se fait finalement récupérer (et absorbé donc) par le système, après lui avoir cherché noise (car le jazz ici est d'abord considéré comme un bruit qui dérange).

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette pièce charnue et ramifiante qui emprunte également à Shakespeare. La mécanique est dantesque... On est évidemment tenté à un moment de dire "Stop !", "Too Much !". Il faut toute une énergie, une fluidité, un sens du tempo et heureusement une certaine légèreté de mise en scène pour que l'ensemble se tienne. Christian Schiaretti a réussi cet exploit, notamment grâce à un superbe orchestre de jazz et à une scénographie très astucieuse dans ses lumières et sa recréation d'un design années 70. On peut en même temps préférer un théâtre moins "total" et laissant au spectateur une part de rêverie qui fait souvent le secret des grandes pièces.

Par dessus bord, au théâtre de la Colline (jusqu' au 15 juin)

 

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