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Orléans

Le vendredi 30 août 2019, par Laurent Sapir
Trop de torsades dans son ego. Trop de miroitements et de miroirs déformés, également... A l'heure où Yann Moix explose en plein vol, ce n'est pas son nouveau roman, "Orléans", qui va booster ses derniers défenseurs...

"Je rêvais d'un frère au cœur d'artichaut, il était mon 'Orange mécanique'"... Il a le sens de la formule aussi développé que son frangin, Alexandre Moix, jusqu'à détrôner l'auteur d'Orléans d'un Goncourt pressenti pour cause de sordides règlements de comptes familiaux avec, cerises indigestes sur le gâteau, d'autres révélations sur un antisémitisme de jeunesse prolongé par des fréquentations pour le moins sulfureuses.

Ainsi explose Yann Moix. Trop de torsades et de miroitements dans son ego. Une œuvre -même s'il déteste ce terme- aurait suffi à en déployer les fulgurances. Mais non, il lui fallait en plus la surexposition, les réseaux, la frénésie, le grain de gros sel dans un paysage audiovisuel déjà bien avarié, les polémiques incessantes en guise de tremplin médiatique... Bref, Yann Moix a fini par irriter tout le monde, et ce n'est malheureusement pas son nouveau roman qui va booster ses derniers défenseurs.

Ceux qui l'ont autrefois brocardé, en revanche, semblent raffoler de cette chronique orléanaise étonnamment tempérée vu le contexte ambiant. Yann Moix fait ses classes, de la maternelle aux mathématiques supérieures. Chapitres courts, sage chronologie, phrasé léché, tellement peu au diapason des ruades stylistiques dont Naissance (prix Renaudot en 2013) avait marqué l'épiphanie. La première partie, intitulée "Dedans", se concentre sur les maltraitances désormais supposées mais désormais bien rabâchées dont l'auteur aurait été victime de la part de ses parents. On a déjà lu cela sous sa plume, et de manière autrement plus débridée. Du coup, le sujet apparaît quelque peu "rebattu".

La seconde partie déçoit encore davantage. Et c'est reparti, de la maternelle aux mathématiques spéciales, mais cette fois-ci sous l'angle du "Dehors", avec non plus les parents terribles comme épicentre, mais l'école, les premières petites copines, puis les liaisons vaines ou décevantes. Le problème, c'est que Moix et ses émois, on s'en fiche un peu. On relève aussi, au passage, qu'il n'est pas fait grand cas de cette ville d'Orléans qui donne son titre au roman. Dommage, elle aurait pu être le grand personnage du livre.

Alors on se rabat sur les seconds rôles, tous ces grands noms qui ont aidé l'auteur à grandir: Bill Evans et "son doigté d'automne" côté jazz, les fidèles Gide et Péguy au rayon littéraire. Sartre se greffe à la bande, avec à la clé une prodigieuse relecture de La Nausée comme roman de l'adolescence. C'est bien lorsqu'il admire, lorsqu'il convoque les autres, lorsqu'il lève les yeux sur eux, que Yann Moix devient solaire. Les ruminements, en revanche, lui sont fatals. Surtout quand viennent les redoubler, ces jours-ci, d'autres loghorrées façon croix gammée si longtemps dissimulées.

Orléans, Yann Moix (Grasset)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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