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Nymphomaniac 2

Le mardi 28 janvier 2014, par Laurent Sapir

D'une élégie glaciale on a voulu faire un film hot. Résultat: à peine 85 000 spectateurs pour Nymphomaniac vol. 1 et un accueil critique aux relents de règlements de comptes pour Lars Von Trier, aussi bien victime de ses outrances verbales que d'une stratégie de marketing menée en dépit du bon sens. Le nouvel opus du réalisateur danois s'impose pourtant comme son oeuvre la plus envoûtante, la plus stimulante, la plus inventive. La preuve avec Nymphomaniac, Volume 2.

2ème partie en ligne droite, quand la première s'épuisait parfois en zigzags psycho-philosophiques. Lars Von Trier se contente, à présent, d'une approche essentiellement sociologique. Sa prédatrice est d'abord une déviante mise au ban d'une société bouffie de compassion et engluée dans l'obscénité du sentiment. Rien d'étonnant à ce qu'elle finisse comme auxiliaire d'un recouvreur de dettes, utilisant sa connaissance des hommes et de leurs faiblesses pour faire cracher les débiteurs les plus récalcitrants.

Moins baroque mais d'avantage resserré que Nymphomaniac Vol. 1, ce 2e volet arpente du même coup des territoires plus inquiétants. En déficit de jouissance pour s'être trop vite laissée absorber par une relation de couple, la nympho de Lars Von Trier court ainsi à tous les abîmes afin de redonner sens à sa sexualité. Si la scène du trio interracial s'avère aussi tordante que l'épisode Uma Thurman dans le volume 1, la séquence SM (avec un Jamie Bell démoniaque de brutalité monacale et aux forts accents pasoliniens...) nous scotche à un climax beaucoup plus sombre.

Même densité dans la manière de faire évoluer la relation entre la nymphomane et le vieux sage qui l'a recueillie un soir de pluie. Sacré personnage, ce Seligman ! Aussi vif d'esprit que dans le premier volet, il est en même temps de moins en moins neutre... Amoureux par procuration ou alors perclus de mauvais songes face aux confidences d'une dévergondée ?

Devant la caméra de Lars Von Trier, le sexe parlé n'a décidément plus rien de téléphoné. Surtout au gré d'une mise en scène constamment sous tension, provocante (la scène d'ouverture d'Antichrist qui revient inopinément), lumineuse (l'arbre sur la falaise représentant l'âme de la nymphomane) et irradiée, au final, par une Charlotte Gainsbourg nimbée de fêlures. Son jeu tout en sourdine, entre fausse candeur et vrai désarroi, fait prodigieusement écho aux visions les plus infernales du cinéaste danois.

Nymphomaniac, Vol. 2, de Lars Von Trier (Sortie en salles le 29 janvier)

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