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Nicolas de Staël au Musée d'art moderne de Paris

Le mercredi 11 octobre 2023, par Laurent Sapir
À trop traquer la lumière on finit par se brûler les ailes... L'incandescent Nicolas de Staël est au centre d'une exposition d'automne aussi poignante qu'impressionnante au Musée d'art moderne de Paris.

Marine la nuit, Nicolas de Staël, 1954: le bateau est sur le point de se disloquer, le bleu avale le jaune et de nuit, le chemin de crête paraît encore plus étroit entre abstraction et figuration. Le peintre aux amours brisés finira par se jeter du toit de son atelier un an plus tard, malgré tant d'instants solaires du Lavandou à la Sicile. Une toile montrant un envol de mouettes vers la mer attrape également le regard à la fin de l'exposition.

200 œuvres au total, et un monde fou au Musée d'art moderne pour découvrir un créateur désormais mythique. L'espace heureusement est assez grand pour déployer l'intensité de son parcours. Né à Saint-Pétersbourg et issu d'une lignée de militaires tsaristes, Nicolas de Staël débarque à Bruxelles en 1917, après la prise de pouvoir de Lénine. C'est en Espagne, et surtout au Maroc qu'il découvre ce que son pinceau tentera d'attraper à sa manière, une lumière particulière, un éblouissement, une incandescence. Ses premières toiles se déploient en même temps dans des teintes sombres. Elles se cherchent également dans l'art abstrait sous l'Occupation avant de s'épaissir, l'empâtement valant manifeste, tout comme son art de la truelle.

C'est qu'il lui faut mener la charge, en permanence, incapable de déployer sa vitalité ailleurs que dans le rythme effréné de ses activités picturales, modifiant sans cesse ses habitudes. "C'est si triste sans tableaux la vie que je fonce tant que je peux ", écrit-il. Il en vient même, toujours selon ses propres termes, à "pondre" des toiles plutôt qu'à peindre. Ça lui fait du bien de se poser un peu. Après avoir assisté à une rencontre entre deux équipes de foot à la nuit tombée, De Staël signe sa toile la plus emblématique, Le Parc des Princes. Du noir, du vert, des pigments de rouge: quel match ! "Une tonne de muscles voltige en plein oubli de soi ", comme il aimerait lui aussi tant s'oublier.

Mais le quotidien le rattrape, Nicolas de Staël a toujours besoin d'argent et son caractère épidermique finit par lasser les femmes de sa vie. Bien fait de sa personne, sa taille trop haute semble en même temps le gêner. Ou alors c'est la tristesse slave qui accentue son côté dégingandé. Les dernières toiles sont plus diluées, la Normandie lui inspire un bleu d'une fantastique mélancolie quand sa rétine ne l'amène pas vers des paysages toujours plus fous: une mer rouge, un ciel vert, le sable violet... Mêmes flamboiements dans l'ultime chef d'œuvre, Le Concert, avec la contrebasse ocre jaune, le noir compact du piano à queue et du rouge vif tout autour. Et si ce feu intérieur était aussi une offrande ?

Nicolas de Staël, Musée d'art moderne de Paris, jusqu'au 21 janvier.

 

 

 

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