Jeudi 10 octobre 2024 par Laurent Sapir

Miséricorde

Thriller déjanté et érotisme rural ouvert à toutes les altérités... On ne changera pas Alain Guiraudie, surtout lorsqu'il signe, avec "Miséricorde", l'un de ses films les plus tordants.

 

Quand Alain Guiraudie met en scène une pastorale de défroqué... Fidèle à son art du picaresque et avec pour socle son roman-monde de 2021, Rabalaïre, dont il a entrepris de porter certains segments à l'écran, le cinéaste a planté sa caméra dans un bled forestier à la lisière de Millau, dans l'Aveyron. Jalousies tenaces, désirs plus ou moins refoulés et élans anarchiques s'y entrecroisent en mode thriller déjanté avec en renfort des personnages croquignolesques, à l'instar d'un curé de campagne comme on n'en voit plus, surtout lorsqu'il s'avère aussi généreux que libidineux.

Tout débute avec le retour dans son village natal d'un jeune employé de boulangerie (Félix Kysyl) dont le patron vient de clamser. Sitôt les funérailles terminées, ce revenant au charme indéfini s'installe chez la veuve du macchabée (Catherine Frot) avant de s'embourber avec le fils de cette dernière (Jean-Baptiste Durand, le réalisateur de Chien de la casse !) dans un contentieux qui va mal finir. 

Comme souvent avec le réalisateur de L'Inconnu du lac et Rester vertical, les comportements des uns et des autres sont lourds de connotations, l'âge mûr attire les jeunots et vice-versa, les bagarres ressemblent à des ébats tandis que la sensualité est forcément circulaire, bisexualité oblige... Catherine Frot s'intègre de manière touchante à cet univers à la fois violent, farcesque et mâtiné d'un érotisme rural plus suggestif que par le passé dans la filmo de Guiraudie.

Pour le reste, et même si la mise en scène peut paraître moins inventive qu'autrefois, on savoure la truculence de plusieurs séquences: les cueillettes de champignons, par exemple, ou encore les méthodes d'investigation de certains gendarmes... Et puis il y a cette performance irrésistible de Jacques Develay en curé étrangement avenant tout droit sorti d'un Bernanos qui aurait bu un coup. Autant de variations qui font tout le sel de ce film particulièrement tordant et qui ne déroge certainement pas à la formidable humanité, si caustique soit-elle, de son réalisateur.

Miséricorde, Alain Guiraudie (sortie en salles le 16 octobre)