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Malcolm & Marie

Le samedi 10 avril 2021, par Laurent Sapir
Entre baies vitrées et macaronis au fromage, un couple se délite avec en arrière-plan Black Lives Matter et #MeToo. Malgré sa redoutable B.O et son noir et blanc arty labellisé Netflix, "Malcolm & Marie" peine à convaincre.

Embué dans sa virtuosité, Malcolm & Marie fascine et irrite à la fois. Sam Levinson, le réalisateur de ce huis clos conjugal tourné en plein confinement, a rempli sa mixture à rabord, à l'instar d'une B.O luxuriante: Duke Ellington, Archie Shepp, James Brown côté soul, sans oublier quelques morceaux de rap. La caméra scrute les affres et les visages des personnages comme chez Cassavetes, mais c'est du Cassavetes sur papier glacé, noir et blanc léché dans une demeure toute lustrée de baies vitrées. Ça en jette, tout ce vernis arty...

Sur le fond, on sera plus circonspect. Lui est un cinéaste africain enfin consacré. Son dernier film a emballé la "critique blanche " du Los Angeles Times, mais il aimerait bien qu'on ne le prenne pas seulement pour le nouveau Spike Lee. Sa référence, c'est le réalisateur italien de La Bataille d'Alger. On croit comprendre comment Levinson, blanc de peau alors qu'il filme les déchirures d'un couple africain américain, règle déjà quelques comptes sur fond de mouvement Black Lives Matter et de pensée anti-"woke " avec #MeToo en supplément d'âme.

Bref, retour de réception dans la villa magnifique entourée d'herbes folles. Elle lui fait des macaronis au fromage tout en tirant la tronche derrière son sourire crispé. Il a oublié de la remercier dans son discours post-projection. Il a utilisé son odyssée d'ex-toxico dans ce long-métrage sans même la créditer. Pire encore, il ne lui a pas confié le rôle principal tout en érotisant certaines séquences en bon "mâle " dominateur. Et puis c'est un narcissique qui ne sait pas aimer. C'est bien beau de se prémunir contre tout sentiment de jalousie, encore faut-il prêter une réelle attention à l'autre. Malcolm et Marie, on l'aura compris, on des foules de choses à se confier, même si leurs querelles flirtent parfois avec le dérisoire.

Malcolm aussi finit par dire ses quatre vérités à Marie quand cette dernière, allongée dans sa baignoire, s'enfonce peu à peu dans l'eau pour échapper aux hurlements de son conjoint. Là encore, mise en scène qui en jette, sauf que des acteurs mieux inspirés l'auraient mieux mise en relief. Hélas, John David Washington (le fils de Denzel) s'épuise dans ses harangues tandis que Zendaya, le phénomène du moment, nous apparaît quelque peu limitée dans ses expressions malgré un touchant monologue final. C'est peu dire que l'émotion, jusque là, n'a pas franchement crevé l'écran comme si les personnages, à force d'être écrits au scalpel sur le papier, peinaient à s'incarner réellement. Et puis tout cela, avouons-le, finit par être un peu longuet et étouffant.

Malcolm & Marie, Sam Levinson, sur Netflix depuis début février.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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