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BOBBY ENRIQUEZ

Lulu

Le jeudi 11 novembre 2010, par Laurent Sapir
Passage en force au théâtre de la Colline, où le patron des lieux, Stéphane Brauschweig, s'attaque à[...]
Passage en force au théâtre de la Colline, où le patron des lieux, Stéphane Brauschweig, s'attaque à la célèbre histoire de Lulu, fille de joie et de malheurs condamnée à finir sous le couteau de Jack l'Eventreur après avoir donné le tournis à de très nombreux messieurs. Le défi est de taille, car en remontant au texte d'origine de l'Allemand Frank Wedekind, Braunschweig s'efforce dans le même temps de contourner ce moment à-priori incontournable où Lulu est devenue "Loulou" C'était en 1929. Derrière la caméra expressionniste du metteur en scène Georg Willem Pabst, c'est la mythique Louise Brooks qui prêtait ses traits, et notamment son fameux casque à cheveux noirs, à la trame de Wedekind. Le 7ème art décrochait là sa première véritable icône sexuelle, avec une "Loulou" introvertie initiant une longue série de femmes fatales dont Hollywood allait se rassasier. C'est cette "Loulou" là que la jeune comédienne Chloé Réjon tente de nous faire oublier en accentuant beaucoup plus le côté femme-enfant de "Loulou" redevenue "Lulu". Il s'agit aussi, pour Stéphane Brausnchweig, de rendre ce personnage féminin moins passif, moins symbolique d'une fantasmagorie masculine d'abord fatale à elle-même... Autrement dit, si Lulu fait fantasmer les hommes, elle est capable, elle aussi, de fantasmer sa vie, ce qui explique son extraordinaire capacité de rebond malgré toutes les épreuves qui lui sont infligées. Il est temps, au stade où ce compte-rendu est parvenu, de déplorer à quel point le challenge ici proposé est victime d'une malheureuse sortie de route. On s'en désole d'autant plus qu'il s'agit là du premier vrai faux pas de Stéphane Brauschweig depuis que nous suivons son travail. Si poignante et si lumineuse l'année dernière dans "Maison de poupée", Chloé Réjon ne trouve ni la grâce, ni la densité de jeu qui auraient pu réinventer Lulu sous nos yeux. Ses partenaires, issus pour la plupart de la prestigieuse école de Strasbourg, ne sont guère plus convaincants, à commencer par Claude Duparfait, dont le travestissement en comtesse lesbienne parait un peu vain... La scénographie, enfin, provoque une réelle lassitude par excès de sophistication : plateau tournant, jeux de miroirs, ambiance disco sur une musique de Marianne Faithful... Autant de paris visuels ou sonores qui, peut-être, auraient emporté l'adhésion si le propos de la pièce nous avait réellement ému ou captivé. "Lulu, une tragédie-monstre", de Stéphane Braunschweig, au théâtre de la Colline, à Paris (jusqu'au 5 décembre)
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