Histoire de Monaco

Alors qu'Emmanuel Macron va entreprendre le 7 juin la première visite d'Etat d'un président français à Monaco depuis 41 ans, l'historien Pierre Fabry retrace avec nuances et vivacité l'odyssée d'une cité aussi lustrale qu'exiguë.
Luxe, calme et habileté. Depuis que l'aventurier génois François Grimadi y a planté à la fin du 13e siècle le drapeau d'une dynastie toujours régnante, Monaco a plutôt bien réussi à jongler avec ses alliances, ses protecteurs et les intuitions parfois déterminantes de ses princes et autres pères fondateurs. Archives inexploitées à l'appui, l'historien Pierre Fabry en tire une épopée passionnante qui se tient à distance des clichés sur "l'État d'opérette" sans dissimuler pour autant les contradictions, voire les impasses, d'un certain mode de développement.
Résultat: une épopée de taille pour un territoire lilliputien. Amputée sous Napoléon III des communes de Menton et Roquebrune, la Principauté aurait pu voir son destin enclavé se fracasser sur un rocher aride si elle n'avait pas très tôt "misé" sur les casinos. Placement un peu honteux, certes, à une époque où le jeu est banni par l'Eglise sauf lorsque surgissent, par l'entremise d'une Société des Bains de Mer devenue un État dans L'État, des "produits d'appel" qui sentent moins le soufre: tourisme balnéaire (l'hiver plutôt que l'été à l'époque), suppression de l'impôt direct... En mal de villégiatures et autres lieux de plaisir d'autant plus appréciables qu'ils voisinent avec des lieux de cure, la High Society afflue en masse. Il est vrai qu'à Monaco, on soigne autant sa tuberculose que ses comptes en banque.
Les Grimaldi ont joué leur rôle dans cette diversification. Déployant un véritable "soft power" avec au final tennis, Formule 1, opéra et festival de jazz, ils ont surtout su être en phase avec leur époque. Albert 1er, ce prince-savant dreyfusard et pacifiste, en aura été l'incarnation pionnière entre océanographie et plaidoyer avant l'heure pour le "développement durable". Autre tempérament visionnaire, Rainier. Prenant les rênes de la Principauté après l'épisode peu reluisant de la Seconde guerre mondiale (pétainisme, rafles antisémites, création de Radio Monte Carlo sous l'égide de Vichy, du Reich et du Palais...), il va gérer Monaco à l'américaine, business et marketing réunis, jusqu'à épouser une princesse venue d'Hollywood. De quoi réveiller de vieilles allergies politiques chez un certain Général de Gaulle qui, sous couvert de lutter contre les paradis fiscaux, n'hésitera pas en 1962 à entourer le Rocher d'un croquignolesque cordon douanier.
Défis autrement plus complexes en ce 21e siècle. Préservée des tumultes sociaux type Front Populaire et Mai 68, la Principauté a dû faire face à une croissance démographique et à une fièvre immobilière qui posent autant question que les empiètements réguliers de territoires sur la mer, sachant qu'ils sont "techniquement de plus en plus complexes, incertains eu égard aux bouleversements climatiques " et sans cesse plus coûteux. De quoi préfigurer, d'après Pierre Fabry, "le destin des villes-États" et autres grandes métropoles mondiales même si sur le Rocher à l'ère Albert II, muter sans perdre son âme reste encore le fait du prince.
Histoire de Monaco, Pierre Fabry (Éditions Passés/Composés). Coup de projecteur avec l'auteur, ce jeudi 5 juin, sur TSFJAZZ, à 13h30