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ALAIN JEAN MARIE

L'Esprit de 45

Le mercredi 08 mai 2013, par Laurent Sapir

L'esprit de 45 selon Ken Loach ? Du swing, tout d'abord : "It's been a long, long time", d'Harry James ou encore "Blue Skies Are Around Courner" par l'orchestre de Jack Hylton... Ces vieilles chansons jazzy qu'on entend souvent dans les films de Woody Allen racontent, ici, la liesse, l'espoir et les lendemains qui chantent. Un monde en noir et blanc? Pas si sûr, nous dit Ken Loach qui a réservé à son beau docu sur des temps révolus une coda haute en couleurs, dans tous les sens du terme.

Mais c'est déjà par une méga-surprise que débute cet esprit de 45. Au sortir de la guerre, les Anglais ne trouvent rien de mieux que de renvoyer à ses chères études l'emblématique Winston Churchill qui avait incarné, des années durant, la résistance de toute une Nation sous les bombes allemandes. Même Staline en sera médusé et pour tout dire assez consterné. Il reste que la paix revenue, le sang et les larmes promis par le vieux lion de Downing Street ne sont plus de saison. Ravagée par la misère et les inégalités, l'Angleterre préfère s'en remettre au gouvernement travailliste de Clément Atlee (bien oublié, depuis...) et à son ambitieux programme de réformes et de nationalisations.

C'est dans ce contexte que naît le Welfare State, avec dans la foulée la naissance de la Sécurité sociale et la mise en commun des biens publics (logements, transports, électricité)... Dans les images d'archives que dévoilent Ken Loach, curieusement,  Churchill crève l'écran tandis qu'Atlee apparait bien falot... Mais la vraie lueur, elle est dans le regard de ces anciens mineurs, infirmières et cheminots qui témoignent quelques 70 ans plus tard. Ils nous font comprendre, à leur manière, le lien étroit entre les sacrifices consentis pendant la guerre et l'esprit d'entraide et de solidarité qui a prévalu ensuite, sur le plan politique, alors même que le pays était complètement ruiné.

Ce bonheur et cette euphorie d'après les décombres ne survivront pas aux années Thatcher, comme le montre l'édifiante 2e partie du documentaire. strong>Ken Loach, dés lors, retombe sur ses pattes politiquement parlant alors qu'on pouvait un peu s'étonner de le voir ainsi glorifier une expérience social-démocrate au regard de ses convictions d'extrême-gauche. A vrai dire, c'est d'abord la grande classe ouvrière britannique qu'il exalte. Surtout lorsqu'une volonté politique est au rendez-vous pour en déployer toutes les vertus. Cela nous est raconté sans pathos, sans misérabilisme, mais avec une force d'émotion considérable, aux antipodes de la lourdeur et de l'esprit de chapelle que le cinéaste affectionne trop volontiers lorsqu'il aborde des sujets historiques dans ses oeuvres de fiction.

"L'Esprit de 45", de Ken Loach (Sortie en salles ce mercredi 8 mai). Le réalisateur était l'invité du coup de projecteur le lundi 6 mai.

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