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L'Encinéclopédie des cinéastes "français" des années 30...

Le lundi 07 février 2011, par Laurent Sapir

Il a, dit-il, le coeur trop fragile pour se lancer dans un nouveau film. Le réalisateur Paul Vecchiali pulse désormais dans le registre de l'écriture, et le moins qu'on puisse dire, à la lecture de son "Encinéclopédie" des cinéastes français des années 30, c'est qu'il y met autant de passion, d'originalité et de sensibilité que dans sa propre filmographie ("Femmes, femmes", "Change pas de main", et surtout, "Encore/Once More", ce pur diamant noir des années 80)...

Les voici donc remis au goût du jour, ces réalisateurs dont on avait arrêté de voir les films sitôt achevée notre éducation cinéphilique... La modernité du 7ème art était ailleurs, pensait-on à l'époque, calfeutré dans les cinémas Action, les yeux rivés sur les States,  ne jurant que par Frank Capra, Fred Astaire et Katharine Hepburn. Qu'il nous semblait au contraire poussiéreux, lourdingue et cocardier, le cinéma français des années 30, à l'exception de quelques grands noms que la Nouvelle Vague avait repêchés de ces eaux marécageuses pleine de nanars, de vieilles ficelles et de films de Fernandel...

Changement d'angle avec le travail de bénédictin auquel s'est livré Paul Vecchiali. Son dictionnaire, qui intègre également les films des années 40, 50 et 60 des réalisateurs ayant travaillé dans les années trente, nous invite à revisiter ce cinéma sous l'angle de la liberté, de l'audace et de l'enchantement. Ça ne vaut pas seulement pour les réalisateurs qui ont fait tourner Danielle Darrieux, que Paul Vecchiali, comme Jacques Demy, idolâtre... Jean Grémillon, par exemple, est célébré comme le poète par excellence de cette période, doué par dessus-tout d'une probité et d'une fermeté morale qui, selon Vecchiali, n'ont plus vraiment cours dans la production contemporaine.

L'auteur se plait, surtout, à revaloriser ou à réhabiliter des figures méprisées par la génération des Cahiers du Cinéma. C'est le cas de Julien Duvivier et surtout de Claude Autan-Lara. Georges Clouzot en revanche en prend pour son grade (magnifique et évidente analyse de ce vrai faux morceau de bravoure qu'est la scène de l'ampoule dans "Le Corbeau"), Marcel Pagnol ne s'en sort pas beaucoup mieux, et Sacha Guitry est enfin dézingué à la hauteur de sa morgue dans ce qui est sans doute le passage le plus tordant de cette "encinéclopédie"...

Reste le cas Jean Renoir... Vecchiali n'aime pas l'homme, en qui il voit un fieffé opportuniste et démagogue, et donc il n'aime pas tous ses films. Si "Une Partie de Campagne", "La Règle du Jeu" et  "Boudu sauvé des eaux" (Ouf !!!!) sont épargnés, le reste de l'oeuvre subit un déboulonnage en beauté. Certains arguments font mouche. Cette  manière, par exemple, de dépeindre les salauds sans jamais expliquer leurs actes... L'auteur rappelle également cette infâme conférence de presse de Lisbonne, en 1941, quand Renoir déclarait:  "Hitler est un homme à ma main, je suis sûr que nous nous entendrons très bien tous les deux, car, comme tous mes confrères, j'ai été victimes des Juifs qui nous empêchaient de travailler et qui nous exploitaient"...

On devine aussi, à travers ce rappel et ce passage du livre autour du réalisateur de "La Grande Illusion", quelque obscur règlement de comptes avec celui qui a été le principal laudateur de Renoir, à savoir François Truffaut... Le même Truffaut qui disait pourtant, après avoir vu "Les Ruses du Diable", premier film de Paul Vecchiali, que ce dernier était le seul héritier de... Jean Renoir ! Va comprendre, Charles...

"L'Encinéclopédie: cinéastes 'français' des années 1930 et leur oeuvre", de Paul Vecchiali (Deux tomes aux Editions de l'Oeil) Coup de projecteur avec l'auteur, sur TsfJazz, mercredi 9 février (8h30, 11h30, 16h30)

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