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HENRI RENAUD / MILT JACKSON

Le Bal des Folles

Le dimanche 29 septembre 2019, par Laurent Sapir
Encore un premier roman bien plus mémorable que les valeurs sûres ! Avec "Le Bal des Folles", succès mérité de cette rentrée littéraire, Victoria Mas suit le destin de ces déviantes de la fin du 19e siècle qu'on n'hésitait pas à interner parce qu'elles étaient trop libres.

Vous avez aimé Vol au-dessus d'un nid de coucou et Vénus Noire ? Vous adorerez Le Bal des folles. C'est une jeune romancière du tonnerre et fille d'une célèbre chanteuse, Victoria Mas, qui emporte ainsi ses lecteurs dans les tourments des vraies-fausses aliénées de la Salpêtrière, autour des années 1880. Déjà méprisées par le fameux professeur Charcot qui tentait sur elles de cruelles thérapies par hypnose, ces femmes faisaient office de zoo humain au bal costumé de la mi-carême, lorsque le Tout-Paris venait s'encanailler à leur contact. Sinistres bourgeois ! C'est eux qu'il aurait fallu interner d'office. 

Les préjugés de l'époque en décidèrent autrement. Un brin de mélancolie, une velléité d'indépendance ? On vous envoyait à la Salpêtrière. Même l'adultère était considéré comme un motif d'internement. Voilà pour le contexte. Ne reste plus qu'à faire connaissance avec les si beaux personnages de ce roman: Eugénie, la Parisienne bien née excommuniée sur le champ parce qu'elle s'adonne au spiritisme; Louise, violée par son oncle et donc forcément "hystérique"; ou encore Thérèse, l'ancienne prostituée recluse à la Salpêtrière pour s'être débarrassée de son souteneur. 

Et puis il y a l'infirmière-chef, Geneviève. Est-ce parce qu'Eugénie a perçu en premier son dérèglement intime, caché et poignant, qu'elle apparaît au départ si rebutante envers la jeune internée ? Bientôt, pourtant, on la contraindra elle aussi à retourner à son "rang" de femme, et peut-être même à rejoindre celles pour qui elle n'avait que dédain. Folle parmi les folles, ne serait-elle pas enfin normale, comme le suggère si joliment Victoria Mas ?

La plume est limpide, l'émotion, constante. On croise aussi au fil des pages une laveuse priant dans une chapelle, des allumeurs de réverbères ainsi qu'un très beau personnage masculin, Théophile ("De son index, il tire doucement sur le foulard en satin qui serre son cou..."), le frère d'Eugénie. Au-delà de l'hymne féministe, l'art du roman tient une perle rare.

Le Bal des Folles, Victoria Mas (Albin Michel). Coup de projecteur avec la romancière, ce jeudi 3 octobre, sur TSFJAZZ (13h30).

 

 

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