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ANTONIO CARLOS JOBIM

Le 15H17 pour Paris

Le jeudi 08 février 2018, par Laurent Sapir

En quête de mythes, Clint Eastwood les brise de film en film. Pour n'en rester qu'à ses derniers opus, on a encore en mémoire ces Jersey Boys transformés en pieds nickelés de la pop, le personnage carrément désaxé d'American Sniper ou encore, dans Sully, les humeurs minées et le costume fripé de Tom Hanks malgré ses exploits aériens. Une logique que Le 15h17 pour Paris pousse aux extrêmes.

Maître des aiguillages, Eastwood privilégie ici une dramaturgie de l'aplat alors que son focus sur les trois jeunes militaires américains qui ont empêché un djihadiste de sévir dans le Thalys Amsterdam/Paris d'août 2015 pouvait laisser craindre gloriole et messianisme. Que voit-on à la place ? Trois pauvres gars de Sacramento qui ne semblent même pas avoir le bagage politique minimum pour glisser un bulletin Donald Trump dans l'isoloir.

Leur parcours biographique est édifiant. Dés l'enfance, deux d'entre eux végètent dans un collège tenu par des fondamentalistes chrétiens. Plus tard, l'armée leur tend les bras, sauf que l'un échoue à ses examens tandis que l'autre se morfond comme un rat mort en Afghanistan. Dur dur d'être un futur héros... Et quand les trois potes se retrouvent pour une virée en Europe qui les amène notamment à Berlin, leur ignorance crasse de l'Histoire (ils pensent qu'Hitler s'est suicidé dans son "Nid d'aigle" à l'arrivée des GI's) les amène à se faire recadrer grave par un guide allemand. Voilà pour le pseudo-virage patriotique et réac d'Eastwood diagnostiqué par certains Diafoirus de la critique.

Même la séquence du train, au final, échappe à la mythification. Un fusil mitrailleur qui s'enraye, du sang qui crapote, une mise hors d'état de nuire du djihadiste qui n'a rien de propret, et pour couronner le tout, les pauvres mots de François Hollande en guise de reconnaissance nationale. L'apparition archivée de l'ancien président n'est que l'ultime symptôme du manque de matière (et de cinéma !) auquel Eastwood est confronté. Face à la médiocrité quasi-spectrale de ses personnages, il pousse même le vice à les faire jouer par les vrais protagonistes eux-mêmes. Prisonnier de ses contraintes, le film n'évite pas une certaine indigence. La cohérence et l'intégrité de son metteur en scène n'en sont cependant nullement remis en cause.

Le 15H17 pour Paris, Clint Eastwood (le film est sorti mercredi)

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