Mercredi 5 juin 2024 par Laurent Sapir

L'Affaire Vinca Curie

Sur le papier, un épisode politiquement et historiquement passionnant qui est réellement advenu: en octobre 1958, quatre irradiés venus de l'ex-Yougoslavie sont admis en soins intensifs en France. Ces atomistes faisaient en sorte que leur pays se dote de l'arme nucléaire lorsque le réacteur expérimental où ils officiaient a dépassé le niveau critique. Connu pour ses recherches sur les leucémies, un professeur français, Georges Mathé, va alors pratiquer sur les irradiés une greffe de moelle osseuse d'autant plus périlleuse que les donneurs volontaires ne sont pas eux-mêmes certains de survivre à l'opération.

Le réalisateur serbe Dragan Bjelogrlic a choisi de traiter cette odyssée sur le mode thriller, mettant en place une sorte de course contre la montre qu'il enrobe d'une dramaturgie tendue et parfois éprouvante. Plutôt douloureuses, à l'époque, les expériences sur la moelle osseuse... Il s'attarde aussi sur le cas de conscience du professeur français, un ancien résistant opposé par principe à l'arme atomique et qui est remarquablement interprété par Alexis Manenti, qu'on avait déjà adoré aux côtés d'Hafsia Herzi dans le très beau premier film de Iris Kaltenbäch, Le Ravissement. Visage fermé, fêlures de moins en moins dissimulées... Voilà un acteur qu'on a envie de suivre.

Tout un pan de cette plongée dans la Guerre froide reste malheureusement au second plan. Originaires d'un pays communiste mais qui refusait d'être inféodé à Moscou (d'où la volonté de Tito, l'homme fort de l'époque, de se doter de la bombe atomique...), ces scientifiques devaient forcément faire l'objet d'un traitement, mais aussi d'un regard particulier de la part des Français. Cet aspect est étrangement peu creusé au gré d'une mise en scène austère et parfois aussi, et on ne peut que le regretter, assez terne.

L'Affaire Vinca Curie, Dragan Bjelogrlic (Sortie en salles ce mercredi)