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La Révolte

Le mardi 23 octobre 2018, par Laurent Sapir

Moyenâgeux. Elle déteste ce mot et ce qu'il charrie de préjugés. Clara Dupont-Monod n'a de cesse de le marteler, c'est notre époque soi-disant "moderne"  qui a poussé au plus haut le curseur de la barbarie, et certainement pas ce Moyen-Âge où l'on se lavait les mains avant d'aller à table et où le devoir d'hospitalité était sacré. À méditer, en ces temps de flux migratoires.

Et pour réhabiliter cette période, qui de mieux que cette sacrée Aliénor d'Aquitaine dont la romancière (à qui on devait déjà un superbe La Passion selon Juette en 2007) avait évoqué dans un autre livre les premières insoumissions du temps où, mariée à Louis VII, elle rendait sa couronne parce qu'elle s'ennuyait à mourir à la Cour du roi mollasson. Qu'importe ! En bonne cougar décomplexée, Aliénor jette son dévolu de l'autre côté de la Manche sur un Plantagenêt de 11 ans moins qu'elle, futur roi d'Angleterre.

Sauf que là encore, ça se passe mal. Le bonhomme n'aime pas qu'on lui résiste, si bien que de mépris en humiliations, Aliénor finit par soulever contre son rustre de mari toute une armée dont ses enfants prennent gaillardement la tête. Parmi eux, le non moins illustre Richard Cœur de Lion, fils aimant et impressionné. em>"Dans les yeux de ma mère, lui faire d'emblée dire Clara Dupont-Monod, je vois des choses qui me terrassent. Je vois d'immenses conquêtes, des maisons vides et des armures". Aliénor n'est que douceur, mais c'est une douceur en pierres. Ivre de savoirs autant que de pouvoirs, elle a appris à ses filles non pas à broder mais à lire et à réfléchir : "Je n'ai pas su leur apprendre la joie, mais je les armées".

Féministe avant la lettre ? Non, Aliénor est trop féodale pour penser collectif. Alors que le Plantagenêt unifie les territoires, elle n'a d'yeux que pour son Aquitaine "verte et indocile". Elle ne va pas dans le sens de l'Histoire, elle perd beaucoup de parties. Les Capétiens, eux, et notamment un certain Philippe Auguste, sont beaucoup plus cyniques et disciplinés.

Dupée, captive, l'héroïne de La Révolte reste cependant pour Richard une mère-murailles. Il faut d'ailleurs le voir s'adresser à la forteresse de Saint-Jean-d'Acre au moment de la troisième croisade: "Tu portes en toi des cachettes, des stratagèmes secrets, et ton endurance fait ta force. Très bien. Je connais ce genre de tempérament. C'est celui de ma mère". Final épique. À la rencontre du si noble Saladin, son adversaire met ses instincts de sauvage entre parenthèses (il finira par y céder, hélas...) et imagine une union des Chrétiens et des Musulmans. La maman acquiesce, tout en faisant la différence entre foi et religion. Ainsi raisonne et résonne Aliénor d'un Djihad à l'autre.

La Révolte, Clara Dupont-Monod (éditions Stock). Coup de projecteur avec l'auteure, ce vendredi 26 octobre, sur TSFJAZZ (13h30)

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