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RICHARD GALLIANO

La mort de Danton

Le mardi 20 mars 2012, par Laurent Sapir

Du théâtre, hélas, comme on n'en voit plus. Puissance du texte, scénographie épurée dont la force de suggestion envahit tout le plateau, comédiens en état de grâce comme décuplés par l'esprit de troupe... Dantesque Danton que Georges Lavaudant exhume à la MC93 de Bobigny, 10 ans après sa mise en scène "historique" au théâtre de l'Odéon ! Quel beau cadeau citoyen, cette mise en scène réitérée telle quelle pour tous ceux qui avaient raté le rendez-vous au printemps 2002 !

On en a pourtant vues, depuis, quelques saisissantes "Mort de Danton" . On se souvient de la vigueur et de l'audace (Saint-Just joué par une femme !!!) dont faisait preuve Jean-François Sivadier à Nanterre lorsqu'il s'était attelé à la prose de Georg Büchner... Les idoles défroquées de Christoph Marthaler nous avaient pareillement estomaqués à peu près à la même période. Il nous manquait les fantômes exténués de Lavaudant.

Car c'est d'abord la fatigue et un je ne sais quoi de livide qui se devinent dans les corps et sur les visages. La Révolution s'épuise avant d'être glacée. Les "animaux à peau épaisse" dont parle Danton au début de la pièce ne sont plus que des spectres saisis d'angoisse à l'approche du couperet tout en acceptant, au fond d'eux-mêmes, la loi d'airain du guillotineur guillotiné. Reste à savoir si les fantômes prennent des coups de vieux eux aussi... Peut-être que le prodigieux Patrick Pineau, à son insu, jouait un Danton plus fauve il y a 10 ans. Peut-être que Gilles Arbona, non moins cisaillant, campait un Robespierre plus implacable encore quand dominent désormais les rides du Jacobin usé qui se torture l'âme avant de sacrifier son ami Camille Desmoulins.

Les tableaux s'enchaînent à un rythme haletant, la profondeur de champ étant modulée par un admirable travail sur la lumière. Deux chaises, un mur, un rideau, suffisent à faire théâtre tandis qu'un cliquetis d'horloge qui se confond avec un grincement d'échafaud égrène le compte-à-rebours... La dernière scène voit les dantonistes émerger du brouillard avant que de sanglantes pétales de roses ne viennent joncher le plateau. Mise en scène d'anthologie, vraiment...

"La Mort de Danton", de Georg Büchner, mise en scène par Georges Lavaudant à la MC93 de Bobigny (Jusqu'au 1er avril) Coup de projecteur avec le metteur en scène, jeudi 22 mars, sur TsfJazz (7h30, 11H30, 16H30)

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