Direct
STACCATO SWING
BENNY GOLSON / CURTIS FULLER

La Dernière bande

Le jeudi 14 novembre 2019, par Laurent Sapir
Malgré un texte parfois bien obscur, les fans de Denis Lavant ne manqueront pas le nouveau numéro d'anthologie du comédien dans "La Dernière bande", une pièce de Samuel Beckett.

Se promener dans ses souvenirs n'a rien d'une sinécure. Crapp, ce vieil auteur raté dont Samuel Beckett a fait l'unique personnage de La Dernière bande, en fait l'expérience tragi-comique. Il bute sur son passé, sur ses amours défunts du temps de ses trente ans et sur la voix qui était la sienne, telle que la restitue une bande magnétique qu'il écoute de façon aléatoire à chacun de ses anniversaires.

Le magnéto trônant sur son bureau a intérêt à être solide. Les bobines valsent, le bouton "pause" est soumis à un tempo infernal, Crapp s'énerve lorsque celui qu'il était autrefois, dans son journal de bord enregistré, se lance dans de grandes envolées lyriques. "Difficile de croire que j'ai jamais été con à ce point-là", soupire-t-il. Et puis il accélère, passant directement à séquence "chaude", un coït dans une barque quand le seul bruit qu'on entendait était celui du clapotis.

La mise en scène dépouillée, voire désossée de Jacques Osinski n'atténue en rien les aspérités d'un texte que l'on pourra trouver plus ou moins hermétique selon son état d'esprit du moment. On fera au moins crédit au metteur en scène de n'être pas tombé dans le grand guignol comme s'y laissèrent aller, semble-t-il, d'autres relectures dans le passé. Pas de chichis non plus  (ni de parasites...) avec le magnétophone puisque la voix du jeune Crapp possède la même texture sonore que celle du Crapp vieilli et décati.

Crapp, c'est Denis Lavant, toujours unique. Les rides, le crâne nu et le profil mortuaire n'ont en rien entamé son éternelle souplesse de corps. Le voir surgir du noir, puis le regard fixe pendant de longues minutes, sous l'éclairage blafard d'un luminaire au-dessus du bureau, nous scotche à notre fauteuil. La façon dont il cherche ses clés, dont il épluche une banane, son corps-à-corps avec ce maudit magnéto faisant remonter un passé qui ne passe pas, cela relève encore une fois de l'anthologie, même si ses arabesques gestuelles lorsqu'il salue le public sont peu en phase avec un texte aussi austère.

La Dernière bande, de Samuel Beckett, mis en scène par Jacques Osinski. Théâtre Athénée-Louis Jouvet, à Paris, jusqu'au 30novembre.

 

 

 

Partager l'article
Les dernières actus du Jazz blog