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Incendies

Le dimanche 27 mars 2011, par Laurent Sapir

Elle ne trompe pas, cette impression d'être cloué dans son fauteuil et de pas vouloir échanger le moindre mot avec la personne qui vous accompagne...  Au générique de fin, "Incendies", de Denis Villeneuve, n'appelle qu'un silence et un recueillement proportionnels à la clameur du bouche-à-oreille qui entoure cette brûlure sur grand écran depuis sa sortie en salles au début de l'année. Le film est adapté d'une pièce du célèbre auteur libano-québécois Wadji Mouawad et c'est sans doute en raison de cette ombre imposante qu'on avait fait l'impasse, au départ, sur "Incendies", d'autant plus que l'étoile du dramaturge a un peu pâli ces derniers temps.

Et pourtant, ceux qui ont vu la pièce (ce n'est pas mon cas) sont aussi capables d'adorer sa version filmée. Ils disent que là où Mouawad déploie sa verve poétique et ses obsessions mythologiques, Denis Villeneuve se frotte un peu plus au réel tout en faisant assaut de pudeur et de sourdes tensions face à la puissance dramatique de ce qui nous est raconté ici. On veut bien les croire... L'art du contre-champ ainsi que cette capacité à tenir la caméra à distance dans les situations les plus éprouvantes relèvent d'une formidable maîtrise cinématographique.

Denis Villeneuve n'hésite pas, à contrario, à épicer sa mise en scène de quelques étourdissements lyriques, comme en témoigne le recours au déchirant "You And Whose Army" de Radiohead... Et l'histoire alors ? On voudrait n'en pas dire un mot, ne rien déflorer de l'odyssée de "la femme qui chante" (sublime et frissonnante Lubna Azabal) et des deux enveloppes qu'elle lègue à ces jumeaux: l'une destinée à un père qu'ils croyaient mort et l'autre à un frère dont ils ignoraient l'existence... Non, ne rien dire, sinon que c'est évidemment le drame libanais qui est coeur de cette quête des origines, même si là encore, rien n'est asséné, tout est suggéré...

Pas de pitch, donc, ne serait-ce que pour ne rien sous-entendre du "switch" final, sinon que cela faisait belle lurette qu'on n'avait pas assisté au cinéma à un dénouement aussi spectaculaire et aussi tétanisant. Ne vous étonnez pas, du même coup, vous qui n'avez pas encore succombé à ce film, si au détour d'une conversation entre fans vous entendez ce mystérieux mot de passe "1 + 1 = 1"... Ce " 1 + 1 = 1" , c'est désormais notre "Rosebud" à nous, adorateurs d' "Incendies" et d'un nouveau cinéma québécois qui frappe en plein coeur...

"Incendies", de Denis Villeveuve

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