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Illusions perdues (au théâtre)

Le lundi 04 octobre 2021, par Laurent Sapir
Avant le film très attendu de Xavier Giannoli, c'est au Théâtre de la Bastille que nous est proposée une adaptation des "Illusions perdues" de Balzac toute en fougue... et en candeur

"La polémique, mon cher, est le piédestal des célébrités "... Les punchlines de Balzac, on en raffole, surtout au regard des buzz les plus affreux (tendance post-Pétain...) de la rentrée. De là à résumer une vision d'ensemble, il y a une marge que Pauline Bayle franchit avec peine dans son adaptation des Illusions perdues. On ne lui fera pas le reproche d'avoir taillé dans le vif, ni même de surfer sur les modes dégenrées du moment en faisant jouer l'ambitieux Lucien de Rubempré par une jeune actrice. Balzac n'avait-il pas lui-même disserté sur les hanches "conformées comme celles d'une femme" de son écrivain provincial en quête de gloire parisienne et que le journalisme va compromettre ?

Le pari consistant à faire jouer une vingtaine de personnages par cinq interprètes se révèle plus hasardeux. L'abattage ne suffit pas, il faut aussi une densité collective. L'androgynie de Jenna Thiam, certes, emporte l'adhésion. Autour d'elle, c'est plus inégal. Si Guillaume Compiano s'empare avec force de ses personnages tout en se révélant comme un narrateur particulièrement envoûtant lorsque Lucien arrive à Paris (cette voix off n'est utilisée qu'une seule fois, hélas...), la comédienne qui joue Coralie, le grand amour du héros, déçoit quelque peu, notamment lors de son interminable monologue sur "la ville tentaculaire " rythmé par une sourde musique électro qui ne fait guère sens.

On touche là aux limites de cette dramaturgie de l'instant sans décors et à mains nues. Elle rétrécit le champ balzacien, laissant parfois les acteurs s'engloutir dans le texte (ou dans ses punchlines...) sans vraiment faire corps avec, ce qui est presque inévitable puisqu'ils passent d'un personnage à l'autre. La seule séquence sans paroles qui voit la troupe entamer une danse sauvage reste paradoxalement celle qui fait le plus "corps", justement. Enfin, ça exulte, et notre imaginaire a de quoi vibrer. Le reste, malheureusement, relève davantage d'une certaine candeur, si fougueuse soit-elle...

Illusions perdues, Pauline Bayle (Théâtre de la Bastille, jusqu'au 16 octobre)

 
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