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BODY & SOUL
GABOR WINAND

Grégory

Le vendredi 06 décembre 2019, par Laurent Sapir
Sapins, corbeaux et paparazzis repentants... Netflix revisite l'affaire Grégory avec une puissance de récit et de mise en forme qui marque les esprits.

Quelle claque ! En s'emparant d'une affaire feuilletonesque et toujours non élucidée dont on pensait tout connaître, celle du petit Grégory Villemin retrouvé mort noyé en 1984 dans l'Est de la France, Netflix livre une enquête exceptionnelle par sa densité, son écriture et sa capacité à transcender le caractère sordide et inintéressant de tant de faits divers. Ironie du sort, c'est un cinéaste, Gilles Marchand (Qui a tué Bambi, 2003), qui pilote cette série en cinq volets. Avec pour seul cahier des charges de rendre son sujet accessible à un public américain, il trouve le ton juste entre le rendu d'une ambiance (jusqu'au pas de côté dans les codes de la fiction...) et le respect dû aux acteurs de cette affaire.

Il lui fallait pour cela un trait d'union, une sorte de personnage à la Mocky aussi gouailleur que pathétique. C'est l'ex-reporter de Paris Match Jean Ker qui s'y colle avec ses rides de paparazzi repentant et ses échanges téléphoniques en bandes magnétiques exhumés d'une vie antérieure. Il y avait plus pourri que lui dans la meute des médias déchaînés durant l'automne 1984 au bord de la Vologne, ce linceul de rivière à la notoriété virale. De toute façon, Ker s'est rangé des voitures. Pas étonnant qu'il soit filmé dans un garage.

Les autres aussi ont pris cher, les vivants comme les morts: le juge Lambert dont on avait oublié qu'il s'est suicidé, Bernard Laroche qui n'est plus là pour protester contre son statut de coupable idéal, Murielle Bolle aussi rétractée que ses témoignages et au sujet de laquelle il nous est rappelé qu'elle était alors en "classe de transition", ce terme du siècle dernier... Et puis la mère, bien sûr, "forcément sublime" sous la plume d'une Marguerite Duras voyant des Médée partout , Christine Villemin et son pull trop sexy pour être honnête, d'après un flic du SRPJ qui a au moins le mérite de la franchise sur son ressenti de l'époque. 

C'était une autre France, un coin perdu des Vosges lui servait de défouloir, comme le souligne avec tact Denis Robert, tout jeune reporter de Libération à l'époque. Pour le reste, les archives débordent, on dirait les rushes d'un JT reconfigurés ici en mode Twin Peaks avec musiques dissonantes, sapins ténébreux et corbeaux hitchcockiens. On entend même leurs voix, à ces corbeaux qui ont peut-être été plusieurs lorsqu'un seul d'entre eux semblait tenir la vedette. Ceci étant, même en adorant David Lynch, on n'est pas forcément demandeur d'une saison 2.

Grégory, Gilles Marchand, sur Netflix depuis le 20 novembre.

 

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