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WHEN WE'RE HUMAN
MICHAEL LEON-WO/TERENCE BLANCHARD

Gloria Mundi

Le jeudi 28 novembre 2019, par Laurent Sapir
"La complaisance dans le malheur m'agace", disait-il au moment de "La Villa"... Avec "Gloria Mundi", sordide odyssée centrée sur une jeunesse en laquelle cet homme de gauche n'a plus confiance, Robert Guédiguian se trahit lui-même.

Voilà donc Robert Guédiguian choqué parce qu'Emmanuel Macron déplore que la France soit un "pays trop négatif". Mais c'est l'hôpital qui se fout de la charité ! Comment le réalisateur peut-il tenir de tels propos alors qu'un film comme Gloria Mundi patauge dans le sordide en y enfonçant complaisamment ses personnages ? On connaissait la mélancolie et l'amertume chez Guédiguian, pas l'aigreur. Cela produit rarement de belles œuvres. Surtout quand on charge autant la mule.

Déjà cette lumière laide, déprimante, si loin de tout ce que La Villa avait de solaire. C'est dans un Marseille vitrifié de partout que naît une petite Gloria ayant toutes les raisons du monde de chouiner. Précarisée par ses périodes d'essai dans des magasins de vêtements, sa mère (Anaïs Demoustier) ne supporte plus son benêt de mari (Robinson Stévenin), un chauffeur Uber qui se retrouve dans le plâtre après avoir été agressé.

Elle n'hésite pas d'ailleurs à le tromper en se jetant dans les bras du mari de sa demi-sœur, laquelle forme avec son jules un condensé de Thénardier dopés à la coke et à la pornographie. Seuls les seniors restent clean dans cette descente aux enfers, à l'instar d'Ariane Ascaride en femme de ménage dont le cœur oscille à la sortie de prison de son ancien amant (Gérard Meylan) alors qu'elle s'est remariée avec le placide Jean-Pierre Darroussin

OK, l'enfer a pour nom néo-libéralisme, les syndicats sont morts et les solidarités se délitent jusque dans la sphère familiale et amoureuse, sauf que dans les mêmes eaux glacées, quelqu'un comme Ken Loach parvient encore à préserver des lueurs de tendresse. Quel contraste entre Gloria Mundi et Sorry We Missed YouGuédiguian, lui, se la joue implacable, surtout envers les jeunes générations en qui cet homme de gauche n'a visiblement plus aucun espoir. On retrouvait pareille sévérité dans La Villa, mais le multigénérationnel primait et surtout, chacun avait encore ses raisons, comme disait Jean Renoir

Ici, chacun n'a plus que ses intérêts, dans la jalousie et le mépris de l'autre. Une séquence, de fait, donne la clé de ce que Robert Guédiguian trimballe au fond de lui-même en ce moment:  fier comme un coq lors de l'inauguration d'un nouveau magasin, le mari de la demi-sœur, un racketteur qui multiplie les enseignes de dépôt-vente cash, cite Macron en s'autoproclamant "premier de cordée". On comprend mieux alors la nature d'une certaine allergie antimacronienne. Elle ne tient pas seulement aux choix politiques en cours, au style présidentiel, à l'arrogance et au cynisme supposés, voire à l'habileté de l'actuel locataire de l'Elysée. Non, ce qui met le plus en rage Guédiguian chez Emmanuel Macron, c'est sa jeunesse.

Gloria Mundi, Robert Guédiguian (Le film est sorti en salles hier)

 

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