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OSCAR PETERSON

Five Easy Pieces

Le dimanche 12 février 2012, par Laurent Sapir

Est-ce un usage intensif des drogues, comme on a pu le lire ici ou là, qui donne à Jack Nicholson ce côté "assommé" durant tout le film? Quoiqu'il en soit, devant la caméra de Bob Rafelson, l'acteur paraît tout le temps ailleurs alors qu'en vérité il crève l'écran d'un véritable déchirement intérieur. On est en 1970. Avant d'exploser dans  "Shining", Nicholson implose dans "Five Easy Pieces" ("Cinq Pièces faciles").  On ne le verra plus jamais à ce point introverti, replié dans le mal-être, tout en murmures, en tendresse et en mélancolie, sans perdre pour autant cette rage rentrée que d'autres cinéastes, plus tard, vont libérer pour le meilleur mais aussi pour le pire.

Dans la famille "road-movie", le film fait évidemment penser à "Easy Rider", sorti deux ans auparavant et dans lequel Jack Nicholson tenait également un rôle. Sauf que les paysages désertiques, cette fois-ci, ne sont plus au rendez-vous. C'est l'Amérique industrieuse qui s'offre en travelling, une Amérique qui ne renvoie à aucun idéal, à aucune contre-culture hippie... Bob Rafelson va même jusqu'à ridiculiser une certaine forme de contestation de l'époque à travers un personnage de lesbienne nihiliste insondable de suffisance.

Le regard du réalisateur est beaucoup plus poignant lorsqu'il se porte sur Karen Black, qui joue la petite amie de Jack Nicholson. Plus fûtée qu'elle en l'air, la serveuse au grand coeur, alors que son mec la méprise comme Sinatra méprisait Shirley McLaine dans "Comme un torrent"... L'autre personnage féminin qui en impose, c'est Susan Anspach, qui joue Catherine, la mélomane indépendante devant laquelle Nicholson oublie son boulot d'ouvrier au détour d'un célèbre prélude de Chopin.

C'est l'une des plus belles scènes du film. L'ex-pianiste prodige converti en prolo fait semblant de ne rien éprouver lorsqu'il se remet au clavier. Susan Anspach laisse voir au contraire ses sentiments alors que durant l'exécution du morceau la caméra utilise comme plans de coupe des photos de famille qui décorent le salon de musique. Quelques instants plus tard, devant son père victime d'une attaque et qui a demandé à le revoir, Nicholson s'effondre en sanglots... Le retour sur soi finit sur un lâcher-prise, l'acteur-culte prenant presque le dessus sur le film-culte...

"Cinq pièces faciles", de Bob Rafelson (Reprise en salles le 15 février/Distribution Solaris) Coup de projecteur, la veille, sur TsfJazz (7H30, 11h30, 16h30) avec Franck Garbaz, journaliste à la revue "Positif"

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