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Et vous, quelle est votre "Laura" préférée ?

Le jeudi 19 novembre 2020, par Laurent Sapir
La plus sensuelle des stars d'Hollywood, Gene Tierney, aurait eu 100 ans ce 19 novembre. Elle est avant tout associée à un film de légende, "Laura", dont la B.O. a inspiré de très grands noms du jazz.

Un standard, parfois, c'est d'abord un visage. Celui de la mythique Gene Tierney, qui aurait eu tout juste cent ans ce 19 novembre, est inévitablement associé au fameux thème de David Raksin en 1944 dans le classique d'Otto Preminger, Laura. Notre consœur de Télérama, Guillemette Odicino, avait vraiment vu juste il y a quelques années quand elle constatait qu'avec Gene Tierney, il y eut toujours " de l'aura dans l'air ", chez Preminger comme devant la caméra de Joseph L. Mankiewicz dans cet autre film-culte qu'est L'Aventure de Mme Muir. Don Byas, Charlie Parker ou encore Clifford Brown ne pouvaient guère prétendre le contraire.

C'est Don Byas qui inaugure en mode instrumental, dès 1945, cette saga des Laura. Entouré par Johnny Garnieri au piano, Slam Stewart à la contrebasse et James Charles Heard aux drums, ce saxophoniste à la sonorité chaude, intimiste et aventureuse (frayer avec les beboppers ne l'effarouchait guère...) réinvente une Laura telle qu'on rêve de l'entendre en club, ténor en mode combo, tout en volutes et tellement au diapason de l'ambiance film noir.

Une autre Laura qui surprend au prime abord, celle de Charlie Parker dans son 2ème album à cordes en 1950, toujours sous l'impulsion de Norman Granz. Que la sonorité habituellement si âpre de Bird se hasarde à fréquenter un thème aussi romanesque pouvait éventuellement générer un fâcheux court-circuit. Il n'en est rien. Le contraste, justement, fait merveille, surtout quand le saxophone succède au hautbois. Parker emporte Laura vers l'abandon et vers la chute, non sans cette fameuse pointe de nonchalance qui lui servait à exorciser ses idées les plus noires.

La plus fougueuse, enfin, des Laura, celle de Clifford Brown lui aussi entouré de cordes mais toujours en mode quintette aux côtés notamment de Max Roach. On est en 1955, un an avant l'accident fatal au jeune trompettiste, et c'est sous la direction et sur des arrangements de Neal Hefti que "Brownie" emmène Laura au firmament, avec au départ ce son si pur, si concentré, a capella pendant quelques secondes, puis secondé au piano avant que les cordes n'entrent sensuellement en scène. L'"enfant sage " auquel Alain Gerber avait consacré l'un de ses romans jazz dont il a le secret avait donc lui aussi craqué pour Gene Tierney. Rarement standard, oui, n'a eu un aussi beau visage.

19 novembre 1920-19 novembre 2020: Gene Tierney aurait eu 100 ans.

 

 

 

 

 

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