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MILES DAVIS

A Feast of Friends

Le mercredi 21 janvier 2015, par Laurent Sapir

La maturité chevillée à l'âme, le saxophoniste Samy Thiébault a déjà à son actif une série d'albums remarqués. On en connaît les fondamentaux: l'héritage coltranien, la patte des frangins Belmondo dans la quête harmonique ou encore la dette spirituelle à quelques grands esprits des siècles passés, de Nietzche à Baudelaire.

A Feast of Friends marque un palier supplémentaire dans l'audace. C'est en effet le répertoire des Doors, sur lequel Samy Thiébault a flashé avant même la découverte de A Love Supreme, qui imbibe ce nouveau disque. Il y a deux ans, déjà, alors qu'une version crépusculaire de Riders On The Storm intégrait son album Clear Fire, le saxophoniste ne cachait pas son envie de faire swinguer encore d'avantage les Doors tout en avouant le côté casse-gueule de l'expérience. Il ne suffit pas, à vrai dire, de disserter sur les penchants et les références à la Great Black Music d'au moins deux des sidemen de Jim Morrison pour transformer en belle bleue jazzistique un coup de foudre de jeunesse.

Pari gagné. Au prix d'un double mouvement mettant en avant la voix du sax ténor (la configuration quartette y contribue nettement...) sans céder pour autant à la vogue du "saxophone héros", sans en rajouter dans la transe...  Tempos ralentis ou contournés, groove cristallin, ferveur du groupie intériorisée sous le sceau d'une  indéniable élégance... On se surprendrait presque à le trouver moins dionysiaque, Samy le Nietzchéen. C'est bien ainsi qu'il fallait le réinventer, le Roi Lézard, ou alors c'était se condamner à la redondance ou au ridicule. On peut dés lors se laisser envoûter par l'intro à la flûte et la pigmentation afro de Riders on the Storm, s'abandonner à la mesure en sept temps de People are Strange et fondre littéralement pour The Cristal Ship et le magnifique solo au piano dont nous gratifie Adrien Chicot sur ce morceau.

Deux titres moins connus des Doors, The Soft Parade et Blue Sunday, témoignent, quant à eux, de la belle énergie collective du quartette (complété par Sylvain Romano à la contrebasse et  Philippe Soirat aux drums) jusqu'à faire, d'ailleurs, le trait d'union avec l'effusion toute coltranienne dont est capable Samy Thiébault, ne serait-ce qu'à travers ses propres compos (Telluric Movements)... Il faut aussi saluer le travail de production d'Éric Légnini ainsi que l'aura spirituelle que confèrent les interludes vocaux de Nathan Willcocks reprenant les poèmes de Jim Morrison. On l'aura compris, ce A Feast of Friends (un festin entre amis) est bel et bien digne des agapes psyché de la fin des sixties, voire même des anciens banquets de Platon où le droit à l'ivresse était indissociable d'un pur sentiment d'élévation.

A Feast of Friends, Samy Thiébault. Sortie le 26 janvier chez Gaya Music. Journée spéciale sur TSFJAZZ, le jeudi 22 janvier.

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