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Winter Sleep

Le lundi 21 juillet 2014, par Laurent Sapir

La quête vaine de soi-même, l'énergie du verbe pour pallier au manque de générosité, la volonté de puissance maquillée en soif d'idéal... Aydin, le personnage principal de Winter Sleep, ressemble à s'y méprendre aux dangereux exaltés du théâtre d'Ibsen. Les avatars de son couple avec une femme bien plus jeune que lui rajoutent à l'affaire un vernis bergmanien. On pense aussi à Tchekhov, évidemment... Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan s'est d'ailleurs inspiré de trois de ses nouvelles pour ce Sommeil d'Hiver qui s'ébroue dans un huis-clos familial où les rapports de classe avec les pauvres d'un village voisin ne sont pas absents.

On l'aura compris, la voilà sévèrement burnée au niveau des références, notre palme d'or 2014 ! Jusqu'à en être un peu emmaillotée. Film à la fois pensé et "pansé", Winter Sleep étouffe un peu dans sa maîtrise formelle et sa haute tenue philosophique. Il est pourtant tout confort, cet hôtel enneigé au fin fond de la Cappadoce que gère un ex-acteur qui passe son temps à pondre des éditos pour un journal laïc sous les yeux de son épouse, de sa soeur et de ses domestiques. On a juste envie d'un peu plus de désordre dans l'hôtel, d'un peu plus de tremblé dans la pellicule, d'un peu moins de plans avec écrit au gros feutre "Attention, chef d'oeuvre !" ... et d'un peu moins de sonate de Schubert pour embourgeoiser encore d'avantage le propos.

Construit en blocs et en morceaux de bravoure (Chevaux dans la steppe, billets brûlés, cuite destroy...), Winter Sleep a, pour tout dire, un côté daté. C'est une palme qui aurait fait grande impression à une autre époque, entre Padre Padrone et L'Arbre aux Sabots. Il s'agit, certes, du film le plus accessible de son auteur malgré une durée (3h15) qui peut faire peur, mais où est l'originalité, la radicalité et surtout l'avenir du 7e art dans ce monument du cinéma d'auteur dont la seule véritable audace n'est liée qu'à sa date de sortie en salles ?

Winter Sleep, Nuri Bilge Ceylan, Palme d'or au festival de Cannes, sortie le 6 août

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