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The Scarlett Letter

Le lundi 21 janvier 2019, par Laurent Sapir

Fond rouge, aussi écarlate que la lettre du même nom dont Angelica Liddell, fille de militaire franquiste allergique à tout ordre moral, s'inspire pour son pamphlet contre les nouveaux puritarismes. Sur scène, un sacré bout de femme ! Genet, Pasolini et Antonin Artaud passés au mixeur de La Movida, l'Espagne qui fouette, le sang chaud, le verbe assassin. On est saisi comme il convient de l'être.

Revisitant Herster Prynne, l'âme opprimée victime d'un pasteur pas moins mortifié dans le roman fondateur de Nathaniel Hawthorne, la prêtresse catalane a surtout pris soin de s'entourer d'un chœur pour le moins atypique, une escouade d'hommes nus à la posture pas toujours glamour, tour à tour dominants et dominés, offerts à cette tigresse d'Angelica qui va jusqu'à "soumettre" l'un d'eux à un début de fellation sur un air de musique versaillaise. L'ensemble, de fait, n'a rien de vraiment trash. C'est, au contraire, une sorte de cérémoniel rythmé en tableaux d'intensité certes inégale qui envoûte peu à peu le spectateur.

À vrai dire, on est surtout magnétisé par le texte. Liddell pratique le jusqu'au-boutisme de l'anaphore avec une jubilation qui ne laisse guère indifférent. « Celle qui vous parle tue, vole, pervertie. Sans juges, l’art n’existerait pas. Sans moralisme, l’art n’existerait pas. Sans hypocrisie, l’art n’existerait pas. Sans vous, l’art n’existerait pas ». En présence d'un acteur noir, elle pulvérise par ailleurs toute fantasmagorie sexuelle liée à cette couleur de peau pour en cerner plutôt la traçabilité historique et l'ancrage dans le cauchemar de la traite négrière.

Mais c'est surtout contre les codes moraux de notre époque, du moins à ses yeux, que l'esprit est le plus acéré. De quelles nouvelles normalisations, questionne Angelica Liddell, le féminisme façon #MeToo est-il le nom ? Elle parle à un moment de "justice de salon de coiffure", revendique le droit d'aimer les hommes jusqu'à en devenir l'esclave ("Dans mes rêves, je serre des phallus/ Comme des bouquets de fleurs") et règle ses comptes avec les femmes de plus 50 ans en des termes reléguant la prose de Yann Moix au roman Harlequin. En toute chose, l'excès nuit ? Quelquefois, mais pas toujours, surtout au regard d'une création aussi décapante.

The Scarlett Letter, Angelica Liddell, au Théâtre de la Colline, à Paris, jusqu'au 26 janvier.

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The Scarlett Letter

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