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FIDDLER ON THE ROOF
CANNONBALL ADDERLEY / CHARLES LLOYD

Tár

Le mardi 24 janvier 2023, par Laurent Sapir
Dominé par l'interprétation de Cate Blanchett en cheffe d'orchestre abusant de son pouvoir, "Tár" ne parvient pas vraiment à convaincre tant son propos est confus et sa mise en scène alambiquée.

Dans son costume bien trop ample de récit complexe, elliptique et fantasmagorique, Tár rate sa cible. Ce que raconte le film avait pourtant tout pour être passionnant. Puissamment investie dans son rôle, Cate Blanchett y incarne Lidya Tár, une cheffe d'orchestre au sommet de son art... et de son ego. Impériale dans un milieu essentiellement masculin, elle ne prend pourtant pas vraiment le chemin idéal pour devenir une icône féministe.

Diabolique scénario dont le méconnu Todd Field (ce n'est que son 3e film comme réalisateur depuis 2001...) explore le caractère particulièrement retors. Ainsi voit-on la cheffe d'orchestre anti-woke recadrer un élève de la Juilliard School lorsque ce dernier affirme dédaigner la musique de Bach, ce compositeur "cisgenre" et misogyne qui a osé avoir 20 enfants. "Ne sois pas si désireux d'être offensé ", lui rétorque-t-elle de manière caustique. Plus dure pourtant sera la chute. Malgré le soutien de sa compagne soliste et d'une assistante sensible mais ambitieuse (Noémie Merland), la dame à la baguette voit son armure vaciller lorsque mûrit le soupçon d'harcèlement moral et sexuel.

Glaciale et cérébrale, la mise en scène multiplie les indices, mais aussi les chausse-trapes comme pour mieux perturber le spectateur. Rythmée par de froids champs contre-champs qui virent parfois au terne, elle se mue en partition de plus en plus dissonante avec en renfort la bien macabre Symphonie No 5 de Mahler qui est au cœur du récit.

On devrait adorer, on reste pourtant à quai. Jusqu'à l'ultime séquence, Todd Field filme en zigzag et ne semble pas trop savoir quoi transmettre du destin de son héroïne, sauf à l'enrober d'un climat d'étrangeté (cauchemars, hallucinations, voisine effrayante exhumée d'on ne sait quel Polanski...) lourd et programmatique. Il va même jusqu'à suggérer que tout ce qui lui arrive ne serait que pure projection mentale. Ce côté "boîte à énigmes" du film en accentue le caractère prétentieux. Il en désamorce, surtout, la charge potentiellement féconde dans le contexte post-#MeToo actuel.

Tár, Todd Field (sortie en salle ce mercredi 25 janvier)

 

 

 

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