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Suite(s) impériale(s)

Le jeudi 22 juillet 2010, par Laurent Sapir

Le soleil ne disparait pas vraiment, l'hiver, à Los Angeles.. S'y rajoute juste une brume livide susceptible de vous envoyer, parfois, dans les pires trous noirs lorsque vous n'êtes déjà pas très bien dans votre tête. Les fans de Bret Easton Ellis ne pouvaient guère rêver, à vrai dire, de meilleur climat pour retrouver l'univers glacial et paranoïde de l'auteur d' "American Psycho" et "Lunar Park".

Mauvais rêve californien, donc, dans ce "Suite(s) impériale(s) " dont le narrateur ne nous est pas tout à fait inconnu. Clay Easton est de retour, encore plus paumé, semble-t-il, que dans le premier roman de Bret Easton Ellis,  "Moins que Zéro", où l'auteur explorait les tranches de "non-vie" d'une bande d'ados désoeuvrés entre sexe, drogue et violence. 25 ans après, Clay revient à L.A. pour les fêtes de Noël. Il est devenu scénariste pour Hollywood, traînant sa défonce, ses lunettes noires et sa trombine de vieil ado alcoolisé dans les soirées où il faut être vu, avec piscine chauffée, sculptures manga dans tous les coins et filles en string et talons hauts...

"Une mosaïque de jeunesse où vous n'avez vraiment plus votre place", écrit Bret Easton Ellis, avant d'orienter son récit dans le genre "film noir". Clay est suivi ou croit l'être... Clay reçoit des mystérieux SMS... Clay ne retrouve pas vraiment son appart' dans le même état lorsqu'il rentre chez lui. Il faut dire qu'il a vraiment tiré le mauvais numéro en s'amourachant d'une starlette ratée, Rain Turner, à qui il a promis un rôle dans un film et qui l'embarque dans une sombre affaire de meurtres et de prostitution.

Sacré personnage, la miss... "La surface présentée par Rain est en réalité tout ce qu'elle est", écrit l'auteur... L'obsession de Rain, ajoute-t-il, c'est de "tout maintenir jeune et lisse, tout maintenir à la surface, même si l'on sait qu'elle va craqueler et ne pourra être maintenue à jamais, et en tirer avantage avant que la date de péremption ne se rapproche"... Il n'y a évidemment rien de sain entre ces deux là : "Ce qui m'intéresse, c'est qu'elle puisse être mauvaise au cinéma, mais bonne actrice dans la réalité".... Clay ne sera jamais aimé pour ce qu'il est. Sa seule jouissance, c'est de contrôler les attentes de sa partenaire en sachant très bien qu'il ne pourra jamais les satisfaire.

La suite n'est qu'une impériale descente aux enfers à la "Mulholland Drive" dans ce qu'une certaine Amérique peut avoir de plus pourri en termes d'exploitation de l'autre ou de vide existentiel, et cela sur ton minimaliste que Bret Easton Ellis affectionne et qui fait froid dans le dos. Ses personnages ne pensent jamais plus haut que le lecteur. Même dans des situations extrêmes, ils gardent toujours leur calme, comme si plus rien ne les étonnait, ou alors comme s'ils étaient déjà morts intérieurement, l'égo dilaté dans les trahisons et l'incapacité d'aimer... On n'oubliera pas de sitôt, vers la fin du livre,  cette séquence gore dans le désert de Palm Springs qui voit Clay se porter presque à la hauteur du Patrick Bateman d' "Américan Psycho"... On n'oubliera pas non plus les dernières lignes de "Suites impériales". Elles sont sans doute ce que Bret Easton Ellis a écrit de plus bouleversant depuis qu'il a été consacré comme l'enfant terrible de la littérature américaine...

"Suite(s) impériale(s)", de Bret Easton Ellis (Robert Laffont) Coup de projecteur avec l'auteur, sur TSFJAZZ, le mercredi 29 septembre à 8h30, 11h30 et 16h30

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Suites impériales

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