Pianiste mais aussi chanteur, Marius Cultier absorbe d'abord le jazz, le mêle à une culture antillaise que le folklorisme risquait d'engourdir et l'enroule dans toutes les musiques qu'il aime. Avant même qu'elle ne soit en vogue, la créolisation est son champ d'action. Il la parfume de notes bleues, de biguine, de rythmes latins et d'arômes funk ou soul. Parti trop tôt en 1985 sans avoir eu la carrière qu'il méritait, son nom rayonne à nouveau dans la galaxie bleu outremer, des magazines de jazz le célèbrent en métropole tandis que des jeunes musiciens caribéens s'emparent de son répertoire. TSFJAZZ le célèbre comme il se doit ce vendredi soir, lui qui aurait eu 80 ans cette année.

Témoignages en or autour de ce Concerto pour Marius Cultier proposé par Adrien Belkout avec à ses côtés Laini Cultier, la fille du pianiste. Elle a fondé une association pour perpétuer sa mémoire, elle vibre toujours à son souvenir et à cette façon qu'avait son père, même lorsqu'il était assoupi, de relever la moindre fausse note lorsqu'il entendait un morceau au piano... Autres invités, les claviéristes Christophe Chassol et Mario Canonge. Ce dernier accompagne à la fin de l'émission Jocelyne Béroard, l'égérie du groupe Kassav', dans une version live du fameux Concerto pour la fleur et l'oiseau qui lui avait permis de gagner le concours de la chanson d'outre-mer en 1982.

C'est l'une des compositions les plus connues de Marius Cultier. "J'adore la fleur, je suis l'oiseau, disait-il, et finalement, j'aurais souhaité trouver beaucoup de fleurs, la fleur étant le symbole de ma liberté "... Cette floraison a du rythme: le prix qu'il reçoit tout jeune pour sa version de Round' Midnight de Thelonious Monk, les pianos qu'il vend en Martinique en démocratisant du même coup la pratique de cet instrument, sa virée canadienne de 1967 avec le bassiste Alex Bernard et le batteur Jean-Claude Montredon qu'il présentera plus tard à un certain Miles Davis, les grands noms qu'il reçoit dans sa maison: McCoy Tyner, Deodato, Randy Weston... "Je cherchais des héros et des héroïnes noires ", confie Christophe Chassol. Marius Cultier, c'est le héros retrouvé.

Les différents chromatismes dans tous ces témoignages, on les retrouve dans sa musique. Carnaval commence un peu comme Le Concerto pour la fleur et l'oiseau avant de s'envoler très vite ailleurs avec son tempo balancé et une vélocité façon Bud Powell. Autre décollage, cette rare version en français de Sunny, le standard de Bobby Hebb. Là encore, un pur joyau, un groove gorgé de soleil et un hymne aux beaux jours dont Marius Cultier, pianiste de légende et poète aux mille notes, était le prodigieux annonciateur.

Concerto pour Marius Cultier, une émission d'Adrien Belkout, sur TSFJAZZ, ce vendredi 10 juin à 19h.