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FIRST LIGHT
FREDDIE HUBBARD

Premier amour

Le mardi 28 novembre 2023, par Laurent Sapir
Tu parles d'un premier amour ! Après La Scala de Paris, c'est au Théâtre du Petit Saint-Martin que Dominique Valadié sublime le moins glorieux des anti-héros beckettiens.

Impériale et inflammable, Dominique Valadié peut tout jouer, y compris un rôle masculin. Cette actrice est un monument: l'aristocrate à la fois prodigue et endettée de La Cerisaie, la séductrice tour à tour carnassière et anéantie de Qui a peur de Virginia Woolf?... Autant de rôles d'anthologie que lui a déjà offerts le metteur en scène et ancien patron du Théâtre de la Colline, Alain Françon, qui est aussi son compagnon. La voici à présent seule en scène, toujours en partenariat avec Françon, dans Premier amour, un texte de jeunesse de Samuel Beckett écrit en français dans l'immédiate après-guerre.

Tu parles d'un premier amour ! Vêtue de noir et les mains dans les poches, Dominique Valadié incarne ici un homme à la rue qui hante les cimetières après la mort de son père. Plus tard, il rencontre une femme sur un banc public. Lulu, elle s'appelle. Il lui fait un enfant, elle lui fait la cuisine. Elle fait aussi le trottoir, accessoirement. Il l'abandonne sans regret. On l'aura compris, il n'y a aucun filtre dans ce récit en partie autobiographique synonyme de de cri de rage après l'effondrement. La France de l'an 45 vaut-elle vraiment mieux que cet être pitoyable, vulgaire, misogyne et complètement lobotomisé niveau sensibilité ?

Le jeu électrique, dense et dégenré de la comédienne produit en tout cas ses effets. Ses mots sont des morsures, souvent rongées d'humour noir. On rit beaucoup, en fait, même si on comprend aussi à quel point le jeu de Dominique Valadié se déploie dans une confrontation avec ce public qu'elle effraie et amuse à la fois.

Scénographie discrète. Quelques vêtements sont étalés sur le sol. Ils pourraient appartenir à d'autres personnages de Beckett emmurés dans leurs mots, dans leur présence, clochards célestes ou pathétiques, bonhommes loufoques ou insurgés. Premier amour en est le captivant prequel au diapason d'une comédienne qui, succédant dans ce rôle à Sami Frey, Michael Lonsdale et Jean-Quentin Châtelain, transfigure dans la grâce le moins glorieux des anti-héros.

Premier amour, de Samuel Beckett, mis en scène par Alain Françon et Dominique Valadié. Théâtre du Petit Saint-Martin, à Paris, jusqu'au 31 décembre. Coup de projecteur avec Dominique Valadié ce jeudi 30 novembre, sur TSFJAZZ (13h30)

 

 

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