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Petite fleur

Le vendredi 03 juin 2022, par Laurent Sapir
Un jazzeux comme celui-là, on ne s'en débarrasse pas facilement... Melvil Poupaud crève l'écran dans "Petite fleur", comédie franco-argentine joyeusement décalée signée de l'Argentin Santiago Mitre.

Avez-vous déjà eu envie de tuer votre voisin en vous laissant alanguir par Sidney Bechet dans Petite fleur ? Curieuse pulsion que celle qui saisit chaque jeudi soir José, un Argentin désœuvré qui s'est installé à Clermont-Ferrand avec sa compagne et son bébé. Plus étonnant encore, le voisin qui l'initie ainsi au jazz a le bon goût de ressusciter le lendemain, tel un standard éternel... De quoi mettre un peu de vivacité dans l'ordinaire conjugal pour le moins souffreteux de notre assassin hebdomadaire.

On l'aura compris, entre le caractère fantastique à fort cœfficient latino du récit (De Borgès à Raul Ruiz...) et son argument jazzistique central, Petite fleur a tout ce qu'il faut pour nous sortir du train-train des comédies à la française. Son réalisateur argentin, Santiago Mitre, qui adapte ici le roman de l'un de ses compatriotes, Iosi Havilio, s'est manifestement plu à mettre en scène le déracinement auvergnat de son "homme sans qualités" (Daniel Hendler, acteur uruguayen fort attachant...) qui parle à peine le Français tout en se coltinant une compagne parfois bien impétueuse campée par la très cash Vimala Pons.

Il reste que c'est surtout Melvil Poupaud qui crève l'écran de manière assez jubilatoire alors qu'on l'avait trouvé un peu en retrait dans le dernier Desplechin. C'est lui, le voisin méphistophélique dont on a peine à se débarrasser, le jazzeux caricatural au départ, à la fois pédant et confus dans ses enthousiasmes, de Cecil Taylor au bon vieux swing d'autrefois... jusqu'au moment où il finit par incarner l'émancipation par l'extrême et l'improvisation permanente, en rapport évidemment avec ses penchants musicaux.

De quoi amener le personnage principal à formuler une théorie originale et optimiste de la routine, comme si le prévisible pouvait être source de magie, de la même manière qu'un thème de jazz, canevas immuable par essence, peut héberger une infinité d'interprétations. On sera un peu plus réservé sur le psy joué par Sergi Lopez et qui semble être le pendant symétrique au personnage du voisin. Le rythme du récit s'en ressent. Petite fleur retrouve en revanche son charme surréaliste lors d'une séquence inattendue autour du chanteur Hervé Vilard et de son antédiluvien Capri, c'est fini. Là encore, un "standard " éternel...

Petite fleur, Santiago Mitre (sortie en salles ce mercredi 8 juin)

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