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O Que Serà

Le vendredi 11 octobre 2013, par Laurent Sapir

Un piano entrelace une mandoline, à moins que ce soit l'inverse, et c'est sautillant, suave, gorgé d'allégresse... Si on vous dit que c'est un album ECM, vous ne le croirez pas, évidemment. Et pourtant si ! Manfred Eicher ferait donc partie, lui aussi, de ces austères qui se marrent... Nul doute qu'avec un tandem aussi exaltant que celui formé par Stefano Bollani et Hamilton de Holanda, il est servi.

Enregistré en live à Anvers durant l'été 2012, "O Que Serà" accentue un double talent chez Stefano Bollani: sa compréhension de l'âme brésilienne (à l'instar de l'album "Carioca" paru il y a cinq ans) et sa formidable aptitude, au-delà de son caractère extraverti et touche-à-tout, à savoir former un duo. Après Chick Corea, avec lequel il avait signé "Orvieto" en 2011, le pianiste italien s'acoquine délicieusement, ici, avec Hamilton de Holanda, maître du bandolim, cette mandoline lusophone emblématique du Choro et que ce musicien brésisilien n'a eu de cesse de dépoussiérer, ne serait-ce qu'en y ajoutant une cinquième double-corde.
 
Ces deux-là ensemble, c'est l'émoi et le jeu, comme disait Gainsbourg. Le pianiste exulte sur un "Barbier de Séville" dont il tresse malicieusement les frasques. Il ponctue par une vocalise toute rabelaisienne le fantastique "Guarda che luna", un classique de la chanson italienne qui voit nos deux compères rivaliser d'accélérations sans que l'on sache finalement lequel guide vraiment l'autre. "Apanhei-te-Cavaquinho" enchaîne accents ragtime et ruptures rythmiques dans une bonne humeur visiblement contagieuse au vu des réactions du public.
 
Quel bonheur également que cette reprise de "Canto de Ossanha", l'une des plus belles compos de Vinicius de Moraes ! La palette percussive d'Hamilton de Holanda s'y déploie à coeur joie, arrosée à profusion par un coulis de notes acidulées dont Stefano Bollani a le secret... L'autre versant de l'album fait la part belle à une sensibilité et à une finesse de traitement qui nous touchent dés le premier morceau, "Beatriz", signé Chuco Buarque. Du même compositeur on retient également le morceau éponyme de l'album que Claude Nougaro a par ailleurs immortalisé avec "Tu verras"...
 
Respect de la mélodie, avec le renfort fredonnant de Bollani façon Keith Jarrett, et en même temps sidérante virtuosité rythmique du mandoliniste brésilien. L'émotion qui s'en dégage n'est pas seulement de nature à transcender l'actuelle playlist de TSFJAZZ. C'est aussi la marque de l'un des plus beaux albums de la rentrée.
 
"O que serà", Stefano Bollani, Hamilton de Holanda (ECM)
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