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HENRI RENAUD / MILT JACKSON

Maurice Vidal de père en fils...

Le vendredi 07 janvier 2011, par Laurent Sapir

C'est à New-York, où il se préparait à déferler sur le Winter Jazz Festival pour les plus belles ondes de TsfJazz, que mon pote Sébastien Vidal, directeur d'antenne de la radio, a appris le décès de son papa. La fierté surnagera, c'est sûr, lorsqu'après l'effondrement il faudra se relever et marcher debout, tête haute, pour le fils, la compagne, la maman, les proches, les amis, la radio, le Duc... Car il en a, des responsabilités et des engagements, Seb, en digne fils de son père, et la fierté n'a pas fini de faire sa maligne lorsqu'il s'agit de raconter Maurice Vidal, orphelin chez les Jésuites, footballeur, soldat, ancien membre du réseau Combat, militant syndical et grand nom de la presse sportive de gauche, notamment à la tête de "Miroir Sprint", de 1949 à 1971.

Je lui avais tendu le micro en 2003. Sur TsfJazz, le père de Sébastien était venu nous raconter Antoine Blondin, ses cuites et ses roues libres derrière la Caravane du Tour. Ces deux là avaient joué les toréros des voitures, une nuit, ce qui les avait amenés tout droit au commissariat. L'écrivain "vélophile" s'en était inspiré dans l'une des séquences de "Un Singe en hiver", immortalisé au cinéma par Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo. Il n'était pourtant pas très porté à gauche, le Blondin, alors qu'à l'époque Vidal Sénior arborait fièrement l'étendard d'un discours communiste sur le sport. L'amitié, après tout, se libère plus facilement qu'on ne le croit des idéologies lorsqu'elle se met d'abord à pourchasser tous les cons de la terre...

En cette année 2003 en tout cas, quelque chose de l'ordre du roc m'avait déjà frappé au-delà de la stature un peu voûtée... Il y a des pères dont on ne se défait pas. Celui-là va mettre très tôt, dans les mains de son ado de fils, un bouquin d'Hemingway... Il lui apprend également que l'objectivité en journalisme n'est qu'un leurre, ce qui ne veut pas dire qu'on peut faire n'importe quoi dans ce métier : des règles, une discipline, une éthique... Le sport est un fait social. Il raconte une société. En sport comme en journalisme, et dans le journalisme comme dans la vie, le corps et l'âme ne font qu'un, des valeurs se transmettent de génération en génération, comme de nouvelles résistances face à un monde de plus en plus monétisé et de plus en plus cynique.

A la tête d'un syndicat composé de journalistes de divers horizons politiques, Maurice Vidal, avec d'autres, va ainsi se battre pour la reconnaissance de la catégorie de reporter sportif, l'alignement des salaires sur l’ensemble de la profession, l'aménagement des tribunes de presse, l'obtention de la gestion des accréditations... Il sera également en première ligne lors d'une grande grève nationale des journalistes (pas seulement sportifs) dans les années 60. On le devine rugueux, impétueux (Il se fâchera d'ailleurs avec son propre parti, sur le tard), volontaire, à l'image de ce qu'il a réussi à reconstruire dans sa vie personnelle après un premier drame familial... La plume peut aussi cingler, comme dans cet article des années 50 où il écrit, à-propos d'un sélectionneur sportif, que "cet homme est dangereux". Maurice Vidal cite aussi Rousseau: "Plus le corps est faible, plus il commande...", comme pour mieux stigmatiser ce qu'il peut y avoir de venteux dans certains comportements autoritaires...

Le sport, finalement, a engendré le jazz, sans qu'on sache trop comment... La seule chose qu'on sait, à Tsf, c'est la chance qu'on a d'avoir comme chef de file un propulseur de notes bleues qui mène son peloton avec autant d'énergie, d'engagement et d'intégrité que son père en mettait dans l'ombre des rotatives et la sueur du maillot...

Maurice Vidal (28 mai 1919-6 janvier 2011)

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